Quelques
générations après Vitruve, Columelle expose à son tour comment
concevoir une villa. Son propos est beaucoup plus étoffé et nourri
de considérations qui révèlent une connaissance plus directe et
concrète du sujet. Nous en reproduisons ici quatre extraits.
A.
Les bâtiments et leur agencement
(Columelle, De
l'agriculture, I, vi,
1-6, 9-10 et 19 partim :
texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle
à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)
[1]
La taille de la villa et le nombre de ses parties seront adaptés à
l'étendue de la propriété et on divisera les constructions en
trois groupes : l'habitation du maître, les bâtiments
rustiques et ceux à provisions.
L'habitation
du maître se répartira en appartements d'hiver et en appartements
d'été, de telle sorte que les chambres à coucher pour l'hiver
regardent le lever du soleil au solstice d’hiver (sud-est), et les
salles à manger le couchant équinoxial (plein ouest). [2] À leur
tour, les chambres à coucher pour l’été feront face au midi
équinoxial (plein sud), et les salles à manger pour la même
saison, à l'orient d'hiver (sud-est). Les bains seront tournés vers
le couchant d’été (nord-ouest), afin qu'ils soient éclairés par
le soleil de l'après-midi, et jusqu'au soir. Les galeries pour la
promenade seront exposées au midi équinoxial, afin qu'elles
reçoivent le plus de soleil en hiver et le moins durant l'été.
[3]
Dans la partie rustique, on installera une grande et haute cuisine,
afin que la charpente ne soit pas exposée au risque d'incendie et
qu’à tout moment de l’année les esclaves puissent s'y tenir
commodément. Les chambres des esclaves qui ne sont point enchaînés
seront idéalement tournées vers le midi équinoxial ; pour
ceux qui sont enchaînés, il faut une prison souterraine, la plus
salubre possible et éclairée par d’étroites fenêtres, situées
à une hauteur telle qu’on ne puisse les atteindre avec la main.
[4]
Pour les bestiaux, on fera des étables qui n’auront rien à
redouter ni du froid ni de la chaleur. Pour les bêtes de travail,
qu’il y ait de doubles étables, les unes pour l'hiver, les autres
pour l'été. Pour les autres bestiaux qu'il faut tenir à
l'intérieur de la ferme, on installera de hauts enclos, les uns sous
toit, les autres à ciel ouvert afin que, placés dans les premiers
pendant l'hiver, dans les seconds durant l'été, ils puissent se
reposer à l'abri des attaques des bêtes sauvages. [5] Les étables
seront spacieuses et arrangées de manière qu'il n'y puisse filtrer
aucune humidité et que celle qui s'y serait formée, s'en écoule le
plus promptement possible et ne pourrisse ni la base des murs
ni la corne des pieds des animaux. [6] Les bouveries devront être
larges de dix pieds ou de neuf au moins : ces dimensions donnent
toute latitude au bœuf pour s’étendre, et au bouvier pour
circuler autour de l'animal. Il ne faudra pas que les mangeoires
soient placées trop haut pour que le bœuf ou le cheval puisse
atteindre sans difficulté sa nourriture, en étant debout.
[9]
Les bâtiments à provisions se divisent quant à eux en huilerie,
pressoir, cellier à vin, pièce à cuire le moût, fenils, paillers,
magasins et greniers. Dans cet ensemble, les pièces de plain-pied
serviront à entreposer les liquides, comme le vin et l'huile
destinés à la vente, tandis qu’on stockera dans les étages
planchéiés les productions sèches, comme les blés, le foin, les
feuilles, les pailles et tous les autres fourrages. [10] Mais que les
greniers, comme je l’ai dit, soient accessibles par des escaliers
et qu’ils soient aérés par de petites fenêtres au nord. Car ce
point du ciel est le plus froid et le moins humide, double avantage
qui assure à la récolte une fois serrée, une longue
conservation.
[19]
Le fumoir, dans lequel le bois, s'il n'est pas coupé depuis
longtemps, doit être promptement séché, peut être établi dans la
partie rustique de la ferme, jouxtant les bains des ouvriers. De tels
bains sont en effet nécessaires, où les esclaves puissent se laver,
mais seulement les jours de fête ; en effet, leur fréquent
usage n’est pas indiqué pour maintenir une bonne forme physique.
B.
Où loger le vilicus, le procurator1,
les domestiques attachés aux troupeaux ?
(Columelle, De
l'agriculture, I, vi, 7-8)
[7] À côté de la
porte, on établira l'habitation du régisseur, afin qu'il puisse
voir tous ceux qui entrent et qui sortent. Pour le même motif, le
procurateur aura son logement au-dessus de la porte et ce voisinage
lui fournira en outre les moyens de surveiller le régisseur. À
proximité de l'un et de l'autre devra se trouver un hangar à
rangement pour tout le matériel agricole ; à l'intérieur du
hangar même, il y aura un local fermé pour y garder les outils en
fer. [8] Les chambres des bouviers et des bergers seront placées à
côtés des bêtes confiées à leur responsabilité, afin qu’ils
puissent courir les soigner aux moments opportuns. Tous ces
domestiques doivent, au surplus, habiter le plus près possible les
uns des autres, afin de ne pas éreinter la diligence du régisseur
quand il fait son tour et pour que chacun soit témoin du zèle ou de
la négligence de ses camarades.
1)
Le procurator,
de condition libre, était l’administrateur financier de la villa.
Il agissait en toute indépendance et gérait souvent les comptes de
plusieurs exploitations à la fois, n’étant responsable que
vis-à-vis des propriétaires.
C.
La construction de la pars urbana de la villa
Columelle, De
l'agriculture, I, iv,
8)
En outre, le père de
famille doit être logé aussi bien que possible en fonction de ses
moyens, afin qu'il se rende plus volontiers à sa campagne et qu'il y
séjourne avec plus de plaisir. Mais surtout, si en plus sa femme
l’accompagne, puisque son esprit, comme son sexe, a plus de
délicatesse, il faudra la séduire par quelque agrément de la
demeure, afin qu’elle y reste plus patiemment avec son mari. Que
l’agriculteur bâtisse donc avec élégance, sans toutefois verser
dans la manie des constructions, et qu’il lotisse une étendue
telle, comme dit Caton, « que la ferme n'en cherche pas le
terrain, ni le terrain la ferme. »
D.
Les jardins et vergers
(Columelle, De
l'agriculture, I, VI,
24)
Les vergers et les
jardins doivent être clôturés et situés près de la villa, à
l’endroit où peuvent s’écouler les eaux d’égout venant de la
cour et des bains, ainsi que le marc liquide issu de la pression des
olives. Car et les légumes et les arbres prospèrent aussi en se
nourrissant de ces substances.
A
suivre...
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