Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

jeudi 1 mars 2018

Extraits de quelques auteurs de l'Antiquité (3)


Quelques générations après Vitruve, Columelle expose à son tour comment concevoir une villa. Son propos est beaucoup plus étoffé et nourri de considérations qui révèlent une connaissance plus directe et concrète du sujet. Nous en reproduisons ici quatre extraits.

A. Les bâtiments et leur agencement
(Columelle, De l'agriculture, I, vi, 1-6, 9-10 et 19 partim : texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)

[1] La taille de la villa et le nombre de ses parties seront adaptés à l'étendue de la propriété et on divisera les constructions en trois groupes : l'habitation du maître, les bâtiments rustiques et ceux à provisions.
L'habitation du maître se répartira en appartements d'hiver et en appartements d'été, de telle sorte que les chambres à coucher pour l'hiver regardent le lever du soleil au solstice d’hiver (sud-est), et les salles à manger le couchant équinoxial (plein ouest). [2] À leur tour, les chambres à coucher pour l’été feront face au midi équinoxial (plein sud), et les salles  à manger pour la même saison, à l'orient d'hiver (sud-est). Les bains seront tournés vers le couchant d’été (nord-ouest), afin qu'ils soient éclairés par le soleil de l'après-midi, et jusqu'au soir. Les galeries pour la promenade seront exposées au midi équinoxial, afin qu'elles reçoivent le plus de soleil en hiver et le moins durant l'été.

[3] Dans la partie rustique, on installera une grande et haute cuisine, afin que la charpente ne soit pas exposée au risque d'incendie et qu’à tout moment de l’année les esclaves puissent s'y tenir commodément. Les chambres des esclaves qui ne sont point enchaînés seront idéalement tournées vers le midi équinoxial ; pour ceux qui sont enchaînés, il faut une prison souterraine, la plus salubre possible et éclairée par d’étroites fenêtres, situées à une hauteur telle qu’on ne puisse les atteindre avec la main.

[4] Pour les bestiaux, on fera des étables qui n’auront rien à redouter ni du froid ni de la chaleur. Pour les bêtes de travail, qu’il y ait de doubles étables, les unes pour l'hiver, les autres pour l'été. Pour les autres bestiaux qu'il faut tenir à l'intérieur de la ferme, on installera de hauts enclos, les uns sous toit, les autres à ciel ouvert afin que, placés dans les premiers pendant l'hiver, dans les seconds durant l'été, ils puissent se reposer à l'abri des attaques des bêtes sauvages. [5] Les étables seront spacieuses et arrangées de manière qu'il n'y puisse filtrer aucune humidité et que celle qui s'y serait formée, s'en écoule le plus promptement possible et ne pourrisse ni la base des  murs ni la corne des pieds des animaux. [6] Les bouveries devront être larges de dix pieds ou de neuf au moins : ces dimensions donnent toute latitude au bœuf pour s’étendre, et au bouvier pour circuler autour de l'animal. Il ne faudra pas que les mangeoires soient placées trop haut pour que le bœuf ou le cheval puisse atteindre sans difficulté sa nourriture, en étant debout.

[9] Les bâtiments à provisions se divisent quant à eux en huilerie, pressoir, cellier à vin, pièce à cuire le moût, fenils, paillers, magasins et greniers. Dans cet ensemble, les pièces de plain-pied serviront à entreposer les liquides, comme le vin et l'huile destinés à la vente, tandis qu’on stockera dans les étages planchéiés les productions sèches, comme les blés, le foin, les feuilles, les pailles et tous les autres fourrages. [10] Mais que les greniers, comme je l’ai dit, soient accessibles par des escaliers et qu’ils soient aérés par de petites fenêtres au nord. Car ce point du ciel est le plus froid et le moins humide, double avantage qui assure à la récolte une fois serrée, une longue  conservation.

[19] Le fumoir, dans lequel le bois, s'il n'est pas coupé depuis longtemps, doit être promptement séché, peut être établi dans la partie rustique de la ferme, jouxtant les bains des ouvriers. De tels bains sont en effet nécessaires, où les esclaves puissent se laver, mais seulement les jours de fête ; en effet, leur fréquent usage n’est pas indiqué pour maintenir une bonne forme physique.

B. Où loger le vilicus, le procurator1, les domestiques attachés aux troupeaux ?
(Columelle, De l'agriculture, I, vi, 7-8)

[7] À côté de la porte, on établira l'habitation du régisseur, afin qu'il puisse voir tous ceux qui entrent et qui sortent. Pour le même motif, le procurateur aura son logement au-dessus de la porte et ce voisinage lui fournira en outre les moyens de surveiller le régisseur. À proximité de l'un et de l'autre devra se trouver un hangar à rangement pour tout le matériel agricole ; à l'intérieur du hangar même, il y aura un local fermé pour y garder les outils en fer. [8] Les chambres des bouviers et des bergers seront placées à côtés des bêtes confiées à leur responsabilité, afin qu’ils puissent courir les soigner aux moments opportuns. Tous ces domestiques doivent, au surplus, habiter le plus près possible les uns des autres, afin de ne pas éreinter la diligence du régisseur quand il fait son tour et pour que chacun soit témoin du zèle ou de la négligence de ses camarades.

1) Le procurator, de condition libre, était l’administrateur financier de la villa. Il agissait en toute indépendance et gérait souvent les comptes de plusieurs exploitations à la fois, n’étant responsable que vis-à-vis des propriétaires.

C. La construction de la pars urbana de la villa
Columelle, De l'agriculture, I, iv, 8)

En outre, le père de famille doit être logé aussi bien que possible en fonction de ses moyens, afin qu'il se rende plus volontiers à sa campagne et qu'il y séjourne avec plus de plaisir. Mais surtout, si en plus sa femme l’accompagne, puisque son esprit, comme son sexe, a plus de délicatesse, il faudra la séduire par quelque agrément de la demeure, afin qu’elle y reste plus patiemment avec son mari. Que l’agriculteur bâtisse donc avec élégance, sans toutefois verser dans la manie des constructions, et qu’il lotisse une étendue telle, comme dit Caton, « que la ferme n'en cherche pas le terrain, ni le terrain la ferme. »

D. Les jardins et vergers
(Columelle, De l'agriculture, I, VI, 24)

Les vergers et les jardins doivent être clôturés et situés près de la villa, à l’endroit où peuvent s’écouler les eaux d’égout venant de la cour et des bains, ainsi que le marc liquide issu de la pression des olives. Car et les légumes et les arbres prospèrent aussi en se nourrissant de ces substances.


A suivre...

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