Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

jeudi 4 juillet 2019

Une chambre funéraire romaine


A proximité des villas se trouvaient des lieux de sépultures réservés aux défunts de ces domaines ruraux et des monuments funéraires élevés à leur mémoire.
Ces sites étaient le plus souvent implantés sur un endroit surplombant le domaine ou en bord de route. Selon l'époque, la région et les coutumes locales, ces lieux de sépultures pouvaient être très variés. Ainsi à côté des tombes, dont une stèle funéraire (bas-relief) en indiquait l'emplacement, certaines populations inhumaient leurs morts, ou ensevellisaient leurs restes après incinération, sous des tumuli (sg. tumulus), tandis que d'autres déposaient le corps du défunt (ou l'urne funéraire) dans une chambre funéraire surmontée d'un petit monument ressemblant à un temple.
Je vous propose la découverte de ce dernier type de sépulture reconstitué sur les hauteurs de la vallée mosellane au Grand-Duché du Luxembourg.

Texte du panneau explicatif à l'entrée du monument

Sur un promontoire dominant la vallée de la Moselle près de Bech se trouve en plein milieu des vignobles et dans l'axe médian de la célèbre Villa de Nennig une construction d'origine romaine, découverte en 1950 et dégagée partiellement en 1959. L'importance particulière de l'édifice n'a été reconnue que lors des fouilles effectuées en 1987 et 1988 à l'occasion des travaux de remembrement.

La construction située au lieu-dit « Frieteschwengert » est un monument funéraire de l'époque romaine tardive, semblable à ceux qu'on trouve en situation analogue à Mesenich (« Petersberg ») dans la vallée de la Sûre ainsi qu'à Igel (« Grutenhäuschen ») et à Nehren (« Heidenkeller ») dans la vallée de la Moselle. Les mausolées de ce type, construits dans la pente des coteaux, comprenaient deux étages. La chambre funéraire qui constituait la partie principale de l'édifice était en grande partie enfouie sous terre. Cette pièce voûtée de forme rectangulaire était décorée de fresques multicolores. Elle était surmontée d'une construction de mêmes dimensions en forme de petit temple funéraire. A Bech, un couloir souterrain voûté comportant plusieurs marches menait à la chambre funéraire.

L'imposant édifice de Bech, construit comme lieu de sépulture d'une riche famille de viticulteurs et de négociants en vin, a sans doute été détruit lors des invasions germaniques du Ve siècle après Jésus-Christ. Pour cette raison, très peu d'éléments de son décor et de son mobilier original sont conservés. Plusieurs tuiles portant la marque de production IOVIANI indiquent que le bâtiment a été construit dans la première moitié du IVe siècle après Jésus-Christ. Des fragments de poteries et de verres, différents petits objets ainsi que les monnaies en bronze datant de la même époque confirment cette hypothèse.
Après la destruction partielle du bâtiment au Ve siècle, les ruines ont été réutilisées par la population franque dans la deuxième moitié du VIIe et la première moitié du VIIIe siècle. Même si de nombreux objets témoignent de cette réoccupation de l'édifice, l'usage précis que les Francs en faisaient n'est pas connu.

Outre les fragments de plus d'une centaine de poteries datant de l'époque mérovingienne tardive, les recherches effectuées en 1987 et 1988 ont fourni deux pièces de monnaies en argent d'une extrême rareté datant de la période de 680 à 720, parmi lesquelles un « sceat », une pièce d'origine anglo-saxonne ou frisonne de la première moitié du VIIIe siècle. Les fouilles ont également produit des monnaies romaines en bronze réutilisées à l'époque franque ainsi que de nombreux petits objets, notamment des éléments de parure en bronze et en verre. Toutes ces trouvailles constituent de précieux témoignages de la vie quotidienne de la population franque qui fut à l'origine du village de Bech, mentioné pour la première fois sous la forme de « Becghe » dans un document de 893 (« Prümer Urbar »). La découverte d'un pendentif en bronze en forme de croix pattée montre en plus que le christianisme était déjà répandu dans les régions rurales de la vallée de la Moselle à la fin du VIIe et au début du VIIIe siècle.

La chambre funéraire de Bech-Kleinmacher, recontruite d'après le modèle des deux édifices similaires de Nehren près de Cochem, constitue donc à la fois un témoignage impresionnant des orignines romaines de la viticulture mosellane et un rare témoin des débuts du christianisme dans nos régions.
Jean Krier

Différentes vues du monument

















Juillet 2019