A
proximité des villas se trouvaient des lieux de sépultures réservés
aux défunts de ces domaines ruraux et des monuments funéraires
élevés à leur mémoire.
Ces
sites étaient le plus souvent implantés sur un endroit surplombant
le domaine ou en bord de route. Selon l'époque, la région et les
coutumes locales, ces lieux de sépultures pouvaient être très
variés. Ainsi à côté des tombes, dont une stèle funéraire
(bas-relief) en indiquait l'emplacement, certaines populations
inhumaient leurs morts, ou ensevellisaient leurs restes après
incinération, sous des tumuli (sg. tumulus), tandis que d'autres
déposaient le corps du défunt (ou l'urne funéraire) dans une
chambre funéraire surmontée d'un petit monument ressemblant à un
temple.
Je
vous propose la découverte de ce dernier type de sépulture
reconstitué sur les hauteurs de la vallée mosellane au Grand-Duché
du Luxembourg.
Texte
du panneau explicatif à l'entrée du monument
Sur
un promontoire dominant la vallée de la Moselle près de Bech se
trouve en plein milieu des vignobles et dans l'axe médian de la
célèbre Villa de Nennig une construction d'origine romaine,
découverte en 1950 et dégagée partiellement en 1959. L'importance
particulière de l'édifice n'a été reconnue que lors des fouilles
effectuées en 1987 et 1988 à l'occasion des travaux de
remembrement.
La
construction située au lieu-dit « Frieteschwengert » est
un monument funéraire de l'époque romaine tardive, semblable à
ceux qu'on trouve en situation analogue à Mesenich (« Petersberg »)
dans la vallée de la Sûre ainsi qu'à Igel (« Grutenhäuschen »)
et à Nehren (« Heidenkeller ») dans la vallée de la
Moselle. Les mausolées de ce type, construits dans la pente des
coteaux, comprenaient deux étages. La chambre funéraire qui
constituait la partie principale de l'édifice était en grande
partie enfouie sous terre. Cette pièce voûtée de forme
rectangulaire était décorée de fresques multicolores. Elle était
surmontée d'une construction de mêmes dimensions en forme de petit
temple funéraire. A Bech, un couloir souterrain voûté comportant
plusieurs marches menait à la chambre funéraire.
L'imposant
édifice de Bech, construit comme lieu de sépulture d'une riche
famille de viticulteurs et de négociants en vin, a sans doute été
détruit lors des invasions germaniques du Ve siècle après
Jésus-Christ. Pour cette raison, très peu d'éléments de son décor
et de son mobilier original sont conservés. Plusieurs tuiles portant
la marque de production IOVIANI indiquent que le bâtiment a été
construit dans la première moitié du IVe siècle après
Jésus-Christ. Des fragments de poteries et de verres, différents
petits objets ainsi que les monnaies en bronze datant de la même
époque confirment cette hypothèse.
Après
la destruction partielle du bâtiment au Ve siècle, les ruines ont
été réutilisées par la population franque dans la deuxième
moitié du VIIe et la première moitié du VIIIe siècle. Même si de
nombreux objets témoignent de cette réoccupation de l'édifice,
l'usage précis que les Francs en faisaient n'est pas connu.
Outre
les fragments de plus d'une centaine de poteries datant de l'époque
mérovingienne tardive, les recherches effectuées en 1987 et 1988
ont fourni deux pièces de monnaies en argent d'une extrême rareté
datant de la période de 680 à 720, parmi lesquelles un « sceat »,
une pièce d'origine anglo-saxonne ou frisonne de la première moitié
du VIIIe siècle. Les fouilles ont également produit des monnaies
romaines en bronze réutilisées à l'époque franque ainsi que de
nombreux petits objets, notamment des éléments de parure en bronze
et en verre. Toutes ces trouvailles constituent de précieux
témoignages de la vie quotidienne de la population franque qui fut à
l'origine du village de Bech, mentioné pour la première fois sous
la forme de « Becghe » dans un document de 893 (« Prümer
Urbar »). La découverte d'un pendentif en bronze en forme de
croix pattée montre en plus que le christianisme était déjà
répandu dans les régions rurales de la vallée de la Moselle à la
fin du VIIe et au début du VIIIe siècle.
La
chambre funéraire de Bech-Kleinmacher, recontruite d'après le
modèle des deux édifices similaires de Nehren près de Cochem,
constitue donc à la fois un témoignage impresionnant des orignines
romaines de la viticulture mosellane et un rare témoin des débuts
du christianisme dans nos régions.
Jean
Krier
Différentes vues du monument
Juillet
2019
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