Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

dimanche 28 novembre 2021

La villa d'Antone, au pays des Lémovices

Vase trouvé en 1936

Sur un plateau qui domine les vallées de la Briance et du Blanzou, face à Pierre Buffière, les vestiges gallo-romains de la Villa d'Antone émergent du passé au fur et à mesure de l'avancée des travaux entrepris par les bénévoles de l'Association Dupuytren Mémoire Vivante.

Ce site est né il y a 2000 ans au cours du premier siècle de l'ère chrétienne. Le pays vit alors dans la paix sous la dynastie des Antonins, c'est la PAX ROMANA qui va durer trois siècles.


Fouilles de 1931

Actuellement nous pouvons découvrir les vestiges de la Villa grâce au travail des bénévoles de l'association mais également par l'implication de la DRAC qui apporte son expertise, oriente et contrôle les travaux.


Vues du site en zone boisée


La Villa d' Antone est un très vaste domaine bâti.

Il comprend plusieurs parties :

1. Sur la partie dite “PARS RUSTICA, en haut du plateau, se trouvent les vestiges d'une enfilade de petites pièces ; là travaillaient et étaient logés les serviteurs. Des fragments de verres de cette époque y ont été trouvés, ils tendent à prouver l'existence d'ouvertures dotées de vitraux sinon de vitres. Dans le premier tiers bâti se situait une salle hypocauste pour produire de la chaleur.

2. La partie dite “PARS URBANA“, en dessous, était l'espace consacré à la vie des maîtres. Là étaient bâtis les thermes, il ne s'agissait pas de thermes publics, nombreux à cette époque mais de thermes privés destinés au propriétaire de la Villa. On y retrouvait une salle hypocauste, des vestiaires, une salle froide, une salle chaude et la partie piscine et bains. Autant d'équipements attestant de l'importance du Domaine.


Vue des fouilles









Après restauration













Le Nymphée aurait assuré le lien avec les dieux. C'était une construction circulaire, le centre était un bassin orné semble-t-il de marbre et de serpentine et surmonté de colonnes et de statues de nymphes.

Autour du bassin il y avait un second bassin en couronne orné lui aussi.

Il semblerait que les résidents se retrouvaient là pour discuter, faire leurs ablutions et obtenir la faveur des dieux par l'intermédiaire des nymphes.


Nymphée en cours de dégagement


La maîtrise de l'eau est aussi une des caractéristiques de la période gallo romaine, représentée encore de nos jours par de magnifiques ouvrages, le plus connu étant le Pont du Gard, mais la Villa d' Antone est à son niveau une excellente illustration de ce qu'était la gestion de l'eau dans l'habitat au quotidien.

Les sources étaient captées directement ou via des puits. Nous avons ici plusieurs exemples en particulier le puits rond près des thermes et le puits carré non loin du nymphée. L'eau était canalisée dans des aqueducs suffisamment hauts pour permettre à un homme d'y pénétrer pour en assurer l'entretien. Nous pouvons observer l'entrée d'une telle structure au centre du site.

Les eaux étaient aussi collectées par des caniveaux dallés et couverts. L'évacuation se faisait vers un grand égout réceptacle de toutes les eaux de la Villa.


Evacuation des eaux


Le MUR est un témoin du génie de ces bâtisseurs, long de 24 m, haut de 4 m, épais de plus 2 m à la base et de 1,80 m au sommet. Il est dans un remarquable état de conservation, en bien des endroits le mortier est intact, et depuis 2000 ans il soutient la terrasse sur laquelle a été édifiée la Villa d' Antone.


Le mur conservé


Texte et Lien : Association Dupuytren Mémoire Vivante

Mairie, 87360 Pierre-Buffière

Contact : Email : admv.antone@gmail.com

Site internet : www.as-dupuytren-mv.fr

dimanche 1 août 2021

Bonnes vacances ...

Je vous souhaite à tous et toutes de bonnes vacances et je salue les nombreux bénévoles qui profitent de cette période estivale pour consacrer leur temps et leur énergie à la sauvegarde du patrimoine.



Août 2021

Ph. Laval

mardi 1 juin 2021

Une villa en Armorique

 La villa gallo-romaine de Mané-Véchen

Si la Bretagne est bien connue pour son patrimoine mégalithique, elle recèle également quelques témoins intéressants issus de la période romaine.

Les vestiges de la villa gallo-romaine de Mané-Véchen, non loin de Plouhinec dans le Morbihan, constituent un exemple représentatif pour cette époque.


Résumé à partir de différentes sources :

Située sur un petit promontoire granitique au bord de la rive droite de l'estuaire de la ria d'Etel, à moins de deux kilomètres de l'Océan, cette villa maritime se trouvait en pays vénète ; tribu gauloise célèbre pour avoir combattu l'armée de Jules César lors d'une bataille navale au large de la presqu'île de Rhuys.

L'édifice, bâti dès la fin du second siècle après J.-C., aurait été abandonné vers la fin du IIIe siècle suite à un incendie. Il fut néanmoins réoccupé partiellement au tout début du IVe siècle, soit seulement un siècle d'occupation en tout !

Les découvertes réalisées lors des campagnes de fouilles successives laissent penser que la villa fut le siège d'un centre de négoce de produits maritimes (sel, garum, pêche et/ou commerce maritime ?).

Plusieurs dépôts monétaires importants mis au jour lors des fouilles semblent confirmer cette vocation commerciale.

Dépôts monétaires découverts, crédit : Musée de Bretagne à Rennes



Le site fut découvert en 1929 et une fouille de sauvetage fut entreprise en 1966 par G. Bernier en raison de l'érosion marine qui menaçait une partie des vestiges. Ensuite, le domaine fut acquis par l'Etat en 1972, après plusieurs campagnes de fouilles fructueuses réalisées au début des années 70, et pour éviter que les ruines ne disparaissent à tout jamais sous les coups des pelleteuses d'un projet de construction d'un lotissement.

Les dernières fouilles menées de 2000 à 2007 par l'archéologue Alain Provost ont permis de révéler l'ampleur et l'importance du site.

L'ensemble des vestiges, couvrant une superficie d'environ 3000 m2, est réparti sur trois ailes en forme de U autour d'une cour centrale avec en son centre un bassin hexagonal.

L'aile nord mesure 38 m sur 10, l'aile ouest 36 m sur 20 et l'aile sud fait 30 m sur 16, soit près de 1600 m2 de surface habitable. Les murs arasés sont maçonnés en petit appareil de moellons de granite local équarris. L'entrée, accessible par un porche, était située au sud.

La cour centrale mesure 27 m (axe nord-sud) sur 31 m (axe ouest-est), soit presque 840 m2.

Enfin, un petit bâtiment tout proche de la villa pourrait correspondre à un fanum privé.

Vue d'ensemble, crédit : journal « Ouest-France », Grégoire Laville, 17/12/17



Plusieurs locaux ont pu être identifiés, comme une bibliothèque ou une salle d'archives, de vastes salles de réception richement décorées, des bains, des pièces chauffées par hypocauste, des portiques, une tour de guet (?), une exèdre (salle dotée de sièges où l'on conversait) et un espace destiné à l'élevage et à la boucherie, en service vers la fin de l'existence de la villa. C'est là où a été retrouvé un haut-relief représentant Dionysos découvrant Ariane endormie sur l'île de Naxos.

Il est vraisemblable qu'il y ait eu une quatrième aile disparue sous l'effet de l'érosion marine et de l'exploitation d'une petite carrière située à l'est du site.

Haut-relief trouvé au milieu d'ossements dans la boucherie de la villa



En plus des différents dépôts monétaires, constitués de deniers et d'antoniniens antérieurs à l'année 282 et rassemblant quelque 22000 monnaies, le site a livré de remarquables enduits peints, dont une représentation d'un buste de Vénus, des animaux et des personnages grandeur nature. On y a également mis au jour des stucs, des éléments architecturaux, une balance en bronze, des outils en fer, des céramiques intactes et fragmentaires ainsi que le haut-relief de Dionysos et des éléments de statues.

Le nom du propriétaire de la villa aurait même été identifié par une inscription conservée au Musée de Bretagne.

Le domaine est classé comme site archéologique depuis mai 2010, mais il peut être visité moyennant une petite contribution.

(Le dessin au début du texte provient du site "Les Amis de l'Art Contemporain du Musée de 56000 Vannes, France").

Renseignements: https://www.plouhinec.com/decouvrir/visites-activites/mane-vechen.html

Vidéo :


Juin 2021

Ph. Laval

jeudi 1 avril 2021

Une villa romaine sur la Côte d'Azur

Les vestiges archéologiques du site de Pardigon II

«La paix revenue [après la bataille d'Actium], les nombreuses légions furent démobilisées ; les légionnaires se virent attribuer le titre de citoyen romain, un pécule et des terres pour y vivre de leur exploitation, en particulier en Gaule toujours prête à la révolte. La VIIIème légion (Legio Octava Norum), la légion d’Auguste, fut installée dans les maures et l’Estérel, avec Fréjus comme capitale locale et c’est dans ce cadre que les 6 à 8 000 hommes reçurent des terres par tirage au sort de domaine établis par les géomètres romains regroupant des lots de 700 mètres de côté.

Les villas romaines de La Croix Valmer, Cavalaire, Sainte-Maxime... virent le jour, simples cabanes au départ, puis villas structurées et florissantes, cultivant avec succès les vignes qui furent la plus grande richesse économique de cette période. Celle de Pardigon II devint avec 3 600 m2 la plus grande des villas maritimes du sud de la Gaule, encore visible aujourd’hui. »

(André Falconnet, Président de l’association archéologique Aristide Fabre qui œuvre pour la réhabilitation du site).

Vue aérienne



La villa de Pardigon II connaît son occupation et son développement majeurs entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C. Son abandon est daté vers la fin du Ve siècle après J.-C.

Maquette



La première phase de découverte correspond à une reconstruction totale afin d'aménager une villa autour du milieu ou durant le troisième quart du Ier siècle ap. J.-C., puis à des agrandissements successifs et des modifications intervenus jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C.

Plan



La villa durant le Bas-Empire romain

La seconde phase marque une restructuration complète de la villa vers le IVe siècle, avec en particulier l'abandon de l'aile thermale.

Cet ensemble ouvre sur la cour centrale, ornée alors d'un bassin d'agrément rectangulaire, tandis que trois cuves, dont seuls les fonds ont été conservés, sont aménagés dans le corps principal de la villa, indiquant sa transformation au moins partielle, en espace agricole.

Un nouvel ensemble thermal, plus modeste, est aménagé dans les bâtiments de la villa. Un four de tuilier est édifié au sud, à l'extérieur des bâtiments.

La villa est définitivement abandonnée au cours du VIe siècle ap. J.-C.

Vue d'ensemble



L'époque mérovingienne

Les ruines de la villa sont très partiellement réoccupées dans le courant du VIIe siècle. Un grand foyer installé dans une pièce proche de la cour sud a livré un mobilier caractéristique formé de céramiques modelées, pour l'essentiel des pots attestés dans des contextes de la période mérovingienne. Le site est ensuite déserté plusieurs siècles durant.

L'époque médiévale

Au cours du bas Moyen Age, la villa est exploitée comme carrière de pierres à bâtir et de pierres à chaux. Un four est creusé dans la partie sud de la villa, dont le mur de soutènement a été percé d'un orifice et le sol excavé pour aménager une chambre de chauffe. Devant la chambre de chauffe et à ses abords, les niveaux contemporains ont livré quelques tessons de céramique datant du XIVe siècle qui témoignent probablement de la période de l'utilisation du four.

L'occupation contemporaine (vestiges de la douane)

Acheté par ''Pierre et Vacances'' dans les années 1980, le terrain devait faire l'objet d'une Z.A.C. (Zone d'Aménagement Concertée) à vocation touristique. Grâce à l'action des associations locales de protection de l'environnement, le site est protégé depuis 2009. Il est propriété du Conservatoire du Littoral depuis 2013. (Source : Françoise Laurier, Service du Patrimoine et de l'Archéologie, Département du Var, 2016).

En 1895, l'administration des douanes fait construire une caserne sur l'emplacement de la villa romaine. Ses fondations, qui ont largement entamé et parfois détruit les vestiges romains, sont clairement lisibles sur le site.

Le bâtiment, d'une surface de 410 m2 environ, comportait un étage ainsi qu'une cave de 66 m2 environ.

En 1906, vingt-trois personnes dont dix douaniers résident à la caserne de Pardigon qui a remplacé depuis 1905 les postes de Cavalaire et du Vergeron. En 1926, il n'y a plus que six douaniers en poste et la caserne est inoccupée en 1935.

Fin 1943, les Allemands feront sauter la caserne dans le cadre de leur programme de défense des plages de débarquement.


Les fouilles et le projet de valorisation du site

Historique des recherches

Le site de Pardigon est connu depuis le début du XIXe siècle sous le nom des Boutigo. L'annuaire du Var de 1832 y signale la découverte d'une dizaine de monnaies romaines.

En 1895, une caserne de l'administration des douanes est édifiée à cet emplacement, entraînant d'autres découvertes archéologiques.

A partir de 1983, la menace de destruction occasionnée par un projet de parcours de golf débouche sur des fouilles entreprises en partenariat avec le Service Régional de l'Archéologie (D.R.A.C. P.A.C.A.), d'une part et le Centre de Documentation Archéologique du Var associé au Groupement Archéologique de Cavalaire d'autre part. Les opérations ont été de trois types : des sondages d'abord, suivis d'une fouille de sauvetage à laquelle succède une fouille programmée. Ces opérations porteront principalement sur deux sites. Pardigon 2 et Pardigon 1 et 3, deux villas d'époque romaine distantes de 500 m environ l'une de l'autre. Sur Pardigon 2, les sondages préliminaires sont réalisés en 1983. S'ensuivent trois campagnes de fouilles de sauvetage de 1984 à 1986, puis trois campagnes de fouilles programmées entre 1988 et 1990.

Les fouilles archéologiques ont permis de dégager un secteur de la partie résidentielle de la villa gallo-romaine ainsi qu'une portion limitée et très détruite de la partie agricole au nord. Le site a connu une longue occupation allant du Ier siècle av. J.-C. Au VIIe siècle apr. J.-C., suivie d'une réoccupation ponctuelle au Moyen Age (four à chaux) et se terminant par la construction de la douane au XIXe siècle.

La villa gallo-romaine était établie sur une légère éminence formée d'alluvions consolidées (plage de galets de formation ancienne, possiblement du Tyrrhénien, il y a environ 12 000 ans). Elle est aujourd'hui bordée au sud par un étang, creusé par les excavations de la fouille archéologique, qui se réactive selon la pluviométrie saisonnière.

Aujourd'hui

Le Conservatoire du Littoral avec l'aide de la commune de la Croix Valmer prévoient d'effectuer des travaux de cristallisation afin de permettre au public d'approcher ce site de plus près.

Ces travaux consisteront tout d'abord à stabiliser les murs de l'époque romaine et à remblayer partiellement les parties les plus abîmées par le temps, dans le but de les conserver. Une ouverture au public pourra être alors envisagée avec un parcours possible sur une passerelle au dessus du site.

«Ce site de Pardigon II nous invite à découvrir l’histoire riche, ancienne et passionnante de notre région occupée par des hommes et des femmes bien avant notre ère. Il est classé « site remarquable » depuis 2009 grâce aux associations locales de protection de l’environnement et est devenu propriété du Conservatoire du littoral depuis 2013. Après des périodes successives de nettoyage, de fouilles et d’abandon, le site a été dernièrement remis en valeur grâce à l’action conjuguée du Conservatoire du littoral, de la municipalité de La Croix Valmer et de l’association archéologique Aristide Fabre. Je tiens tout particulièrement à remercier les intervenants qui ont permis la renaissance de ce site primordial pour l’histoire de notre commune. Désormais, la vue en surplomb de la villa donne une singularité à ce paysage et revêt un caractère culturel particulièrement important. Nul doute que chaque Croisien et touriste sera curieux de comprendre ce qu’il s’y passait et d’aller la découvrir. »

(Bernard Jobert, maire de La Croix Valmer)

Sources :

Les panneaux didactiques in situ et le site internet du tourisme de la Croix Valmer pour les citations : http://www.lacroixvalmertourisme.com/fr/qualite-de-vie/patrimoine/villa-gallo-romaine-de-pardigon-2

Merci à Monsieur Jean-Paul Slonina et à l'Association Archéologique Aristide Fabre pour les renseignements et les photos, (www.fabrearcheo-var.fr)

Vidéo



Avril 2021

mardi 2 mars 2021

Un empire trop vaste pour un seul homme

Témoins numismatiques d'un pouvoir partagé

Introduction

Bien que l'Empire romain ait été gouverné par un nombre important d'empereurs soutenus par le Sénat, les magistrats et l'armée, le partage du pouvoir impérial a quelquefois été nécessaire afin d'administrer au mieux ses vastes territoires.

A son apogée, l'Empire s'étendait, en effet, du nord de l'Angleterre au sud de l'Egypte et du Maroc aux limites de l'ancienne Mésopotamie.

Depuis la fin de la République et avec le gain des nouveaux territoires conquis par Jules César, Rome était bien consciente de la nécessité de devoir partager la gouvernance d'un empire devenu trop grand pour un seul homme. Ainsi, certains empereurs légitimes, et même des usurpateurs, ont été assistés d'un ou plusieurs collègues qui étaient le plus souvent des amis ou des proches du Prince.

Cette répartition du pouvoir était devenue la norme, lorsque le système de la Tétrarchie fut mis en place à la fin du IIIe siècle. Si les deux empereurs portaient alors le titre « d'Auguste »1, leurs collègues étaient nommés « Césars »2 ; ces derniers devenant à leur tour « Augustes », après l'abdication ou la disparition des premiers, quand la succession se déroulait comme prévu.

Quoique cette manière de gouverner à quatre n'ait fonctionné qu'une vingtaine d'années (293 à 311), Constantin le Grand, puis la plupart des empereurs du Bas-Empire conserveront en partie ce système collégial jusqu'à la fin de l'Antiquité tardive.

Il va sans dire que cette répartition du pouvoir se reflète également sur le monnayage impérial ou provincial, et de nombreuses monnaies, qu'elles soient en or, en argent ou en bronze attestent cette réalité historique.

Quelques exemples du début du Principat à la division de l'Empire3

Déjà à la fin de la République et après une période de guerres civiles, les héritiers politiques de Jules César décidèrent de former un second triumvirat4 pour une durée de cinq ans qui fut reconduite pour la même période. Octave, le petit neveu héritier légitime du dictateur reçut l'Occident, Marc Antoine, fidèle partisan de César, l'Orient, et Lépide, son maître de cavalerie, l'Afrique.

Denier de Marc Antoine et Octave, 41 av. J.-C., Ephèse


A/ M. ANT. I(MP). (AV)G. III. VIR. R.P.C.M. BARBAT QP.

Tête nue de Marc Antoine à droite (O°).

R/ CAESAR IMP. PONR. III. VIR.R.P.C.

Tête nue d'Octave à droite (O°).

Réf. : 3,85gr. ; Ø 20 mm ; RRC. 517/2 ; RSC. 8

Source 1° : © CGB Numismatique Paris

Après sa victoire sur Marc Antoine et Cléopâtre lors de la bataille navale d'Actium en 31 av. J.-C., Octave resta seul maître et obtint du Sénat le titre et le nom d'Auguste en 27 av. J.-C. La République avait désormais cédé la place au Principat avec Octave Auguste comme chef suprême à la tête du nouvel Empire.

Marcus Agrippa, son fidèle ami, considéré comme le collègue de l'Empereur, reçut l'Imperium5 comme Octave, mais il préféra toujours rester dans son ombre.

La cité de Nîmes, qui avait accueilli une colonie de vétérans revenus d'Egypte, fera frapper une série de dupondii6 où figurent au droit les têtes d'Auguste et Agrippa, ce dernier ayant joué un rôle prépondérant dans la victoire remportée lors de la bataille d'Actium.

Dupondius de Nîmes, 10 à 14 ap. J.-C., Nîmes

A/ IMP DIVI F P P (Imperator Divi Filius Pater Patriae - Empereur fils du divin père de la Patrie).

Têtes adossées d'Auguste laurée à droite et d'Agrippa à gauche portant la couronne rostrale d'or, récompense suprême pour ses exploits militaires.

R/ COL-NEM (Colonia Nemausus- Colonie de Nîmes)

Crocodile à droite enchaîné à un palmier. Le palmier est orné de deux bandelettes flottantes à droite. Au pied poussent deux rejets à gauche et à droite.

Réf. : 12,9 gr. ; Ø 27 mm ; RIC. 160 ; C. 10 (vente 2008)

Source 2° : © Numismatica Ars Classica

La période antonine nous a également offert un autre bel exemple de partage du pouvoir qui s'est bien déroulé.

A la mort d'Antonin le Pieux, Marc Aurèle et Lucius Verus, ses deux fils adoptifs, lui succédèrent et devinrent co-empereurs de 161 à 169. Si tous deux avaient reçu l'Impérium et le même titre d'Auguste, Marc Aurèle, qui avait dix ans de plus que son frère adoptif, garda néanmoins la prééminence. Mais sa sagesse et l'union de sa fille Lucilla avec Lucius Verus contribueront au maintien d'une entente cordiale entre les deux souverains. Marc Aurèle ayant assuré seul le pouvoir impérial à la mort de son collègue, et ce jusque l'an 180.

Aureus de Lucius Verus, 161, Rome

A/ IMP CAES L AVREL VERVS AVG

Tête nue de Lucius Verus à droite

R/ CONCORDIAE AVGVSTOR // COS II

Marc Aurèle et Lucius Verus debout face à face, se serrant la main et tenant chacun un parchemin roulé dans la main gauche.

Réf. : 7,2 gr. ; Ø 20 mm ; RIC. III 449 var ; C. 43 var (vente 2009)

Source 2° : © Numismatica Ars Classica

La période de troubles et d'anarchie militaire qui survint durant la seconde moitié du IIIe siècle fut propice à l'arrivée de plusieurs usurpateurs, dont certains n'avaient d'autre ambition que celle de défendre leurs provinces en proie aux révoltes des bagaudes7 et aux incursions barbares.

Alors que l'empereur légitime de Rome n'arrivait plus à faire face aux multiples assauts qui menaçaient d'ébranler les frontières de l'Empire, le gouverneur d'Aquitaine, Caius Pius Esuvius Tetricus, usurpa la pourpre en l'an 271. Il fut acclamé par les légions rhénanes pour prendre la défense de l'Empire des Gaules contre les Barbares. L'usurpateur régna à Trèves pendant trois ans avec son fils, Tetricus II, qu'il nomma César, jusqu'à leur reddition devant l'Empereur Aurélien en 274. L'épisode de l'Empire des Gaules (260-274) prit fin et l'unité de l'Empire fut rétablie.


Antoninien de Tetricus Ier, 272-273, Cologne

A/ IMP [TETRICV]S PF AVG

Buste radié et visage barbu à droite

Réf. : 2,16 gr. ; Ø 18 mm ; RIC. 88

Source 3° : collection privée

Antoninien de Tetricus II, 272-273, Cologne

A/ [C P]IV ESV [TETR]ICVS CAES

Buste radié et visage imberbe à droite

Réf. : 1,24 gr. ; Ø 15 à 19 mm ; RIC. 270

Source 3° : collection privée


L'accession au pouvoir de Dioclétien en 284 permit à l'Empire de se relever de la crise du IIIe siècle. Bien qu'il ait autorisé une persécution contre les chrétiens, principalement en Orient, qui dura une dizaine d'années (303 à 313), l'Empereur entreprit néanmoins de grandes réformes civiles, militaires et monétaires qui donneront véritablement un second souffle à l'Empire.

Il choisit d'abord Maximien Hercule comme césar en 286 pour le seconder en Occident, puis il mit en place l'ingénieux système de gouvernance à quatre, appelé la Tétrarchie, en 293. Ainsi, lui-même et son collègue, qu'il nomma Auguste, désignèrent chacun un césar qui leur fut subordonné. Tous les quatre dirigèrent un quart de l'Empire et il fut convenu que les deux césars devinrent à leur tour augustes au bout de vingt ans. Dioclétien nomma Galère pour l'assister en Orient, tandis que Maximien Hercule choisit Constance Chlore pour le seconder en Occident.

Avec ce système, Dioclétien était parvenu à repousser avec succès les ennemis de l'Empire et à maintenir les frontières du limes.

Fidèles à leur engagement, les deux augustes abdiquèrent comme prévu et Dioclétien se retira dans son palais de Split en 305. Constance Chlore devint alors Auguste et choisit Sévère comme césar, alors que Maximin II Daïa devint le césar de Galère.

A la mort de Constance en été de l'année 306, Sévère devint Auguste et prit comme césar Constantin 1er, le fils de Constance, acclamé par les troupes de Britannia (Angleterre). Mais, dès octobre de la même année, Maxence, le fils de Maximien Hercule, prit le pourvoir en Italie et une guerre éclata entre les tétrarques. Le système de la Tétrarchie fut abandonné peu après à la faveur de Constantin Ier qui vainquit Maxence à la bataille du pont Milvius en 312.

Argenteus de Dioclétien. 300-301, Trèves


A/ DIOCLETI-ANVS AVG

Buste lauré et cuirassé à droite, vu de trois quarts en avant.

R/ VIRTVS-MILITVM / (massue)

Les quatre princes sacrifiant au-dessus d’un trépied devant une porte de camp à six tourelles.

Réf. : Argent. 3,01 gr. ; Ø 18,5 mm ; axe des coins 6 h ; C.516 v ; RIC.123 a.

Source 4° : © iNumis (Paris)

Après de nombreuses mésententes et conflits entre les différents héritiers de la Tétrarchie, Constantin parvint à accaparer le pouvoir sur l'ensemble de l'Empire en 324. Son règne très long (306 à 337) lui donna l'occasion de réaliser de nombreuses réformes. En outre, le christianisme fut désormais autorisé grâce à son édit de tolérance promulgué en 313.

Il créa également un nouveau système monétaire basé sur le solidus. Cette monnaie d'or, d'un poids de 4,55 gr., remplaça l'aureus, et la silique le denier d'argent.

Il éleva ses trois fils au césariat pour le seconder, puis ses neveux Flavius Dalmatius et Flavius Hannibalianus en 335. Constantin II reçut l'Occident, Constant 1er, l'Italie, la Pannonie et l'Afrique, et Constance II la partie orientale de l'Empire et l'Egypte. Les neveux de Constantin Ier devant se satisfaire de quelques territoires8 éparses.

Ensuite, Constant récupéra la part de Constantin II, après son élimination en 340, puis l'Empire revint à Constance II, lorsque l'usurpateur Magnence, qui avait éliminé Constant en 350, fut poussé au suicide après sa défaite de la bataille de Mons Seleucus9 face à l'armée de Constance II.

Ce dernier garda la main sur l'Orient et désigna son cousin, Julien, dit « le Philosophe », comme César en 355 pour gouverner l'Occident toujours menacé par les incursions barbares. Julien, seul rescapé du massacre de sa famille perpétré par les héritiers de Constantin Ier, deviendra Empereur après la disparition de Constance II en 363.

Solidus de Constance II, 353-354, Thessalonique


A/ DN CONSTANTIVS-MAX AVGVSTVS

Buste diadémé, drapé et cuirassé de Constance à droite, vu de trois quarts en avant.

R/ GLORIA-REI-PVBLICAE // TESS

Rome et Constantinople assises de face sur une banquette tenant ensemble un bouclier sur lequel est inscrit : « VOT/XXX/MVLT/XXXX en quatre lignes.

Réf. : 4,24 gr. ; Ø 21,5 mm ; RIC. 154 (R4)

Source 1° : © CGB Numismatique Paris

Cette magnifique monnaie d'or révèle un autre évènement important survenu durant le règne de Constantin Ier (le père de Constance II). Au revers figure, en effet, une allégorie où la Tyché10 Roma est assise à côté de la Tyché de Constantinopolis, la nouvelle capitale de l'Empire d'Orient fondée en 330 par Constantin Ier.

Le choix de cette nouvelle capitale présagera la division future de l'Empire entre l'Occident et l'Orient.

La dynastie constantinienne s'éteignit avec la disparition de Jovien, le successeur de Julien, en 364.

Une assemblée de dignitaires et d'officiers supérieurs se réunit alors sans tarder pour désigner Valentinien comme nouvel Empereur. Celui-ci était un officier pannonien de haut rang, déjà attaché à la maison impériale.

Dès sa nomination, il choisit son frère cadet, Valens, comme co-empereur pour gouverner la partie orientale de l'Empire.

A la mort de Valentinien Ier en 375, ses deux fils lui succédèrent. Gratien devint Empereur d'Occident et son demi-frère, Valentinien II, se vit attribuer l'Italie, la Pannonie et l'Afrique, tandis que Théodose Ier fut désigné par Gratien pour prendre la succession de son oncle Valens, tué lors de la bataille d'Andrinople en 378.

Avec l'élimination de Gratien par l'usurpateur Maxime en 383, puis l'assassinat de Valentinien II, âgé seulement de 21 ans, en 392 par Arbogast, le maître de la milice de Théodose en charge d'administrer l'Occident, la dynastie valentinienne prit fin.

Solidus de Valentinien Ier, 364, Thessalonique


A/ DN VALENTINI-ANVS PF AVG

Buste diadémé, drapé et cuirassé de Valentinien à droite, vu de trois quarts en avant.

R/ VICTOR-IA AVGG/-/-// SMTES (la victoire des augustes)

Valentinien et Valens diadémés et vêtus de la robe consulaire assis de face sur un trône, tenant ensemble, un globe orné ; derrière eux, la victoire debout de face les ailes ouvertes.

Réf. : 4,41 gr. ; Ø 21 mm ; axe des coins 6 h ; RIC. 4 a1

Source 1° : © CGB Numismatique Paris

Si Théodose 1er fut un des trois co-empereurs11 de la période située entre 379 et 392, il sera aussi le dernier à gouverner un empire unifié, jusqu'à sa mort au début de l'année 395.

Ayant reçu la partie orientale de l'Empire, il s'installa à Constantinople dès le début, puis à Milan vers la fin de son règne.

Il encouragea fortement l'expansion du christianisme trinitaire, en fermant les temples païens et en favorisant la foi catholique au détriment de la doctrine arienne. Son règne est également caractérisé par une dévaluation monétaire qui eut notamment comme conséquence le rognage des siliques d'argent.

Après sa mort, l'Empire, qu'il avait réussi à maintenir uni, fut définitivement divisé et partagé entre ses deux fils. Arcadius reçut l'Orient et Honorius l'Occident ; mais c'est Stilicon, un Vandale romanisé, qui veillera sur les deux jeunes empereurs.

Nummus Ae3 d'Arcadius, 406-408, Cyzique



A/ DN ARCADI-VS PF AVG

Buste diadémé, drapé et cuirassé à droite, une étoile derrière.

R/ GLORI-A ROMA-NORVM // SMKA

Trois empereurs (Arcadius, Honorius et Théodose II) debout de face tenant une haste et appuyés sur leur bouclier pour les deux à l'extérieur. Celui du milieu tient uniquement une haste.

Réf. : 1,83 gr. ; RIC. X 148 (C2) ; n° NBD : 62807 (collection privée)

Source 5° : Nvmmvs-bible II


6° Carte de l'Empire divisé en 395. En rouge la partie occidentale dévolue à Honorius et l'autre partie orientale (en mauve) à Arcadius. L'Empire d'Occident disparut en 476, sous la pression des Barbares, tandis que la partie orientale subsistera jusqu'en 1473 sous le nom d'Empire byzantin.

Notes et références :

  1. Auguste : d'abord titre religieux, ce nom fut attribué à Octavien par le Sénat en -27. Ensuite, il sera porté par les empereurs.

  2. César : d'abord cognomen du dictateur Jules César, ce nom devint un titre porté par les empereurs. Le césar étant subordonné à l'auguste.

  3. Loin d'être une liste exhaustive, ces quelques exemples illustrent bien ce partage du pouvoir.

  4. Triumvirat : alliance politique de trois chefs pour partager la gouvernance sous la République..

  5. Imperium : pouvoir civil et militaire suprême réservé aux empereurs et à certains magistrats.

  6. Dupondii : le pluriel de « dupondius », est une monnaie en bronze valant un demi sesterce. Coupée en deux, chaque partie valait alors un as.

  7. Bagaudes : nom attribué aux bandes armées qui ravageaient le nord-ouest de la Gaule au cours de la seconde moitié du IIIe siècle et au IVe siècle. Ils ont été combattus au même titre que les Barbares.

  8. Ces territoires sont la Thrace, l'Achaïe et la Macédoine pour Dalmatius, et le diocèse du Pont pour Hannibalianus.

  9. Mons Séleucus est situé à La Bâtie-Montsaléon dans les Hautes-Alpes, en France.

  10. La Tyché est la divinité de la fortune d'une cité ou d'un Etat. Ses attributs sont la corne d'abondance et la couronne pour la Tyché de Constantinople, et le casque pour celle de Rome.

  11. Co-empereur avec Gratien jusqu'en 383, avec Valentinien II jusqu'en 392, avec Maxime jusqu'en 388 et finalement avec l'usurpateur Eugène jusqu'en 394.

Je tiens à remercier les différents sites consultés pour leurs crédits photos.

Source des illustrations :

https://www.cgb.fr/

http://www.ancient-roman-coin.com/

3° Collection personnelle

https://www.inumis.com/

https://www.nummus-bible-database.com/monnaie-18686.htm

Carte de l'Empire divisé en 395 (source Wikipédia, domaine public).

(Article publié en mars 2021 dans le bulletin du Cercle numismatique du Val de Salm en Belgique).

Ph. Laval