Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

samedi 29 septembre 2018

Une villa gallo-romaine au pied du Ventoux

Découverte fortuitement à l'occasion d'un projet de construction, la villa gallo-romaine des Bruns a fait l'objet d'une fouille de sauvetage dès 1995, suivie de plusieurs campagnes de fouilles menées de 1996 à 2000.
La villa se trouve au pied du mont Ventoux, le long de la route moderne conduisant au sommet du "Géant de Provence", à la sortie du hameau des Bruns (Bédoin, dans le Vaucluse).
Le site s'étend sur une superficie d'environ 1000 m2, et comprend une pars urbana (la résidence) et une pars rustica (bâtiments agricoles). Le bâtiment compte quelque vingt-sept pièces accessibles par une galerie, qui devait être couverte, orientée plein sud. Parmi les locaux identifiés avec précision, figurent deux cubicula (chambres), un tablinum (bureau du propriétaire), un triclinium (salle à manger), des thermes et des locaux à vocation agricole. Malgré l'absence de luxe apparent (comme des mosaïques), les vestiges assez bien conservés comportent des murs d'une hauteur de près de deux mètres.

Les fouilles ont permis de mettre en évidence l'existence d'une petite construction remontant au 1er siècle de notre ère, dont il ne subsiste que quelques bâtiments arasés, deux meules et un ensemble de dolia (jarres en terre cuite semi-enterrées pour le stockage des provisions).
Ensuite, la villa proprement dite fut édifiée au cours du second siècle sur un plan barlong, préfigurant ainsi le mas provençal.
Son emplacement sur une terrasse à flan de montagne explique sa construction toute en longueur (80 m x 11 m), à la différence du plan habituel des villas du sud-est de la France bâties autour d'un atrium (pièce centrale) autour duquel s'articulent les autres locaux.

La partie agricole se situe au sud-est, alors que la partie résidentielle s'étend au nord-ouest, les thermes se situant à la jonction. Les éléments découverts révèlent une différence architecturale entre ces deux zones. Dans la partie habitable et les thermes, les couvertures étaient supportées par des colonnes enduites constituées de morceaux de terres cuites, tandis que dans les bâtiments à vocation agricole, des poteaux en bois étaient probablement utilisés. Les élévations des murs sont en opus caementicum : mortier de chaux et petits moellons réguliers aux arêtes vives taillés dans le calcaire local. Les sols sont différents selon les zones : terrazzo (béton avec inclusion de calcaire) dans les pièces à vivre ; béton hydraulique dans les thermes et terre battue pour les parties agricoles. Des fragments d'enduits peints ont été découverts à plusieurs endroits. Du bleu dans la baignoire du frigidarium (pièce froide des thermes), du jaune sur les parois de cette même pièce et du rouge dans le grand bassin extérieur.
Il semblerait que la villa ait été abandonnée au cours du 3e siècle ; mais des indices d'une réoccupation tardive aux Ve et VIe siècle avec modification de l'habitat et traces d'une activité métallurgique ont été mis en évidence.

(Résumé fait à partir de plusieurs sources dont celles du Service Culture et Patrimoine et de la Communauté d'agglomération Ventoux Comtat Venaissin (CoVe).

Vue d'ensemble depuis le sud-est



Vue latérale depuis l'est (photo : CoVe)



Fragment de céramique sigillée trouvé dans les remblais




Estampille du potier Mommo, atelier de la Graufesenque, fin du 1er siècle de notre ère



Septembre 2018
Ph. Laval