Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

mercredi 1 août 2018

La villa romaine de Goeblange

Description

La villa de Goeblange-Miecher compte parmi les établissements agricoles les plus grands du territoire trévire. Le complexe construit à partir du début du 1er siècle ap. J.-C. comprend au moins sept bâtiments en pierre répartis sur une superficie de 5 hectares, dont certains sont entourés d’une levée de terre. A côté d’une luxueuse maison de maître et d’une autre demeure plus ancienne, le site recèle un bâtiment d’habitation supplémentaire, un petit temple ainsi que trois édifices secondaires.
L'intérêt spécifique du site est que le propriétaire du lieu semble avoir rompu très tôt avec la tradition celtique, après l’écrasement de la révolte trévire, en faisant ériger un mausolée inspiré du modèle romain, vers 30 ap. J.-C.
Au cours des incursions germaniques de la fin du 3ème siècle, la maison du maître a été transformée en burgus, une fortification civile composée de trois levées de terre, d’une palissade de bois, ainsi que d’une tour massive, destinées à la protection contre les raids barbares. Au début du 4ème siècle, la villa connaît une nouvelle embellie qui permet le démantèlement du burgus défensif. L’établissement agricole est abandonné vers la fin du 4ème siècle, dans les turbulences des grandes invasions barbares. Ses vestiges sont laissés à l’abandon jusqu’à leur redécouverte par l’abbé Georges Kayser en 1964.

Accès

A partir du parking de la CR 189 entre Goeblange et Simmerschmelz, des panneaux explicatifs guident le visiteur à travers les époques de l’âge de la pierre, du bronze et l'époque celte, jusqu’aux constructions en pierre romaines. Six bâtiments, dont les fondations et/ou les murs ont été restaurées, le mausolée, ainsi que la fortification de l’Antiquité tardive reconstituée peuvent être visités gratuitement durant toute l’année. De nombreux panneaux fournissent des explications de chaque bâtiment ainsi que des aspects particuliers de la culture gallo-romaine. Ceux qui veulent visiter les cinq tumulus des propriétaires de la ferme de l’époque celtique peuvent suivre le chemin forestier pendant 500 m. Un petit chemin marqué d’une amphore mène ensuite vers les 13 tombes de la nécropole de Goeblange-Nospelt.
Des visites de groupes pour les deux site peuvent être réservées auprès de « Georges Kayser Altertumsfuerscher » à l’adresse : gka@gka.lu


(Texte revu par moi-même)

La première villa



Ce bâtiment dont la construction remonte au 1er siècle servit de première résidence aux propriétaires du domaine et subit de nombreuses transformations au fil de son utilisation. A cause de celles-ci et du piètre état de conservation des restes muraux, le plan original du bâtiment n'est plus clairement reconnaissable. Aux 2e et 3e siècles les pièces du nord-ouest furent aménagées en bains tandis que le reste du bâtiment était probablement mis à la disposition des serviteurs. Le propriétaire quant à lui se fit construire une demeure plus spacieuse (bâtiment 1).

Au centre de la pièce principale (1) se trouvait un foyer. Un deuxième situé plus à l'ouest a dû appartenir à un bâtiment plus ancien. La pièce 2 servait de chambre de chauffe pour le bassin d'eau chaude (caldarium) situé dans la pièce 3.

Dans la pièce 4 furent trouvées les fondations soit d'un bassin d'eau froide (frigidarium) soit d'une latrine dont le contenu pouvait être évacué moyennant le canal de vidange du caldarium. La structure semi-circulaire de la pièce 6 peut être interprétée comme une sorte de sauna (sudatorium). Un foyer dans l'angle sud chauffait la pièce 8.
Tandis que les caves (pièces 9, 12 et 16) servaient à entreposer des provisions, la fonction des locaux 5, 7, 10, 11, 13 et 14 n'est pas connue.

Vue de la première villa (à 50 m de la seconde)


La seconde villa (bâtiment 1)


La nouvelle résidence du propriétaire du domaine fut construite au début du 3e siècle, avec à l'origine une superficie de 700m2. Ce bâtiment avait l'aspect d'une villa gallo-romaine à portique typique, avec deux pièces d'angle proéminentes (risalites/pièces 4 et 5), une terrasse avec colonnade (portique/pièce 1) ainsi qu'une pièce principale avec foyer (pièce 2). Le bâtiment était axé sur un mausolée circulaire préexistant. Une cave très spacieuse (pièce 3) était accessible par un escalier partant de la pièce principale. La paroi sud-est de la cave était percée par trois fenêtres. Depuis la pièce principale une chambre de combustion permettait de chauffer la pièce 7 (caldarium) par circulation d'air chaud sous le plancher et dans les parois. La fonction des pièces 8, 9 et 10 (en mauvais état de conservation) ne peut être clairement définie. L'annexe 14 peut, sur la base d'offrandes trouvées, être qualifiée de petit sanctuaire domestique.

Pendant la période d'occupation la résidence a subi toute une série de transformations ou d'extensions (pièces 6, 12 et 13). De même, vers la fin du 3e siècle et sous la menace des incursions de Germains, une fortification civile (burgus) fut aménagée. Ainsi une partie de la demeure (anciennes pièces 8, 9 et 10) fut transformée en une sorte de chambre forte tandis que les abords immédiats du bâtiment furent protégés par une palissade en bois (15), des levées de terre et par au moins trois fossés de défense (16).

Quand au début du 4e siècle sous Constantin le Grand commença une période de sécurité relative, le « burgus » fut démantelé, la palissade démontée et les fossés comblés. Les couches supérieures du remblai étaient constituées de gravats tels qu'enduits muraux, tuiles et fragments de calcaire. Probablement les habitants avaient rénové l'immeuble et s'étaient débarrassé des gravats dans les fossés de défense.

Au cours de ces transformations la cave également reçut une nouvelle destination. Les ouvertures de la porte et des fenêtres furent murées. La surface d'origine fut divisée en trois pièces de dimensions différentes (3, 3a et 3b) et se vit attribuer les fonctions de bassin de décantation et de réservoir d'eau. Le tout fut alimenté par une conduite d'eau souterraine en bois (17) venant de l'est mais dont le point de départ n'a pas encore été constaté.
Le bâtiment 1 fut vraisemblablement abandonné vers la fin du 4e siècle.

Représentation de la seconde villa


Vue de la façade d'entrée de la seconde villa



Hypocauste avec le praefurnium dans l'angle de la pièce



Photos : Ph. Laval