Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

lundi 13 janvier 2020

Les matériaux de construction dans la villa (1)

Il est faux de croire que l'habitat en bois et torchis des peuples celtes était inconfortable et précaire. Ces habitations traditionnelles étaient très bien adaptées au climat de nos régions et les ressources en bois pour leur construction étaient inépuisables.
Néanmoins, la villa romaine, bâtie « en dur », constitue sans aucun doute une avancée technologique considérable.
Le premier avantage de la construction romaine est certainement sa pérennité. La maçonnerie est forcément plus solide que le bois et elle résiste mieux à l'usure du temps et aux intempéries. Bon nombre d'habitations romaines nous ont d'ailleurs légué quelques beaux vestiges de murs toujours debout, alors que même les poteaux massifs en bois des chaumières gauloises ont disparu depuis fort longtemps.

Je vous propose donc de découvrir les différents matériaux qui étaient utilisés dans la construction des villas, en commençant par la toiture.

La couverture :

Si l'ardoise et la pierre furent parfois utilisées en couverture, le matériau typique des toitures des villas romaines était bien évidemment la tuile en terre cuite qui conférait aux habitations une allure méditerranéenne.
Cette toiture était composée de tegulae (sg. tegula) et d'imbrices (sg. imbrex).
La tegula est une tuile plate à rebords latéraux qui se posait à même la charpente. Elle mesurait plus ou moins 35 cm sur 45 cm avec une épaisseur de 3 ou 4 cm et avait une forme légèrement trapézoïdale pour permettre l'emboitement des tegulae les unes aux autres (voir dessin). Elle pesait plus ou moins 7 kg.
Pour assurer l'étanchéité des joints, des imbrices recouvraient le faîtage, ainsi que les bords latéraux des tegulae Ces tuiles de forme semi-circulaire avaient une extrémité plus étroite que l'autre pour qu'elles puissent également s'emboiter les unes aux autres. Ces tuiles, appelées aujourd'hui « tuiles canal », sont toujours utilisées dans la plupart des pays méditerranéens.
Enfin, des antéfixes étaient placés à la base du toit, fixé dans la dernière imbrex avec du mortier, pour maintenir en partie la couverture et fermer la dernière imbrex. Les antéfixes étaient souvent décorés de motifs végétaux ou figutatifs.

Représentation d'une partie de toiture



a) Tegula
b) Imbrex
c) antéfixe

La charpente :

La toiture, qu'elle soit de tuiles ou d'ardoises, était supportée par une charpente en bois. Ces charpentes ont évidemment disparu depuis longtemps, mais on peut imaginer qu'elles devaient être très massives, car le poids de la couverture devait avoisiner les 70 kg au m2 en moyenne pour un toit en tuiles.
La pente du toit ne devait pas excéder 25° d'angle, pour assurer la stabilité de l'ensemble de la couverture et éviter le glissement des tuiles.

Les murs :

Les murs extérieurs et les murs porteurs intérieurs étaient maçonnés en pierres et parfois en briques de terre cuite en alternance avec des moellons de pierre. Les pierres étaient le plus souvent équarries et le tout maçonné au mortier de chaux. La pierre provenait la plupart du temps de carrières situées dans la région même de l'habitat. Cependant, quand le marbre était utilisé, il pouvait être importé de très loin. Tout dépendait de la richesse du propriétaire et de ses désirs. Les briques et tuiles en terre cuite étaient façonnées sur place ou provenaient d'ateliers de tuiliers de la région. De nombreuses estampilles de tuiliers ont été découvertes sur des tuiles et des briques lors de fouilles archéologiques.

Le mortier romain était réputé pour ses propriétés techniques incomparables. Ce mortier, appelé « mortier de tuileau » était un mélange de sable, de petits graviers, de chaux, d'eau et de tuileau. Le tuileau est une poudre obtenue par le broyage de briques ou de tuiles en terre cuite. Le liant obtenu d'une couleur rosâtre était très résistant tout en étant élastique. Il a permit la construction d'édifices remarquables comportant des voûtes et des arcs en plein cintre. De part ses propriétés d'hydraulicité, il était aussi utilisé dans les constructions hydrauliques, (thermes, ponts, etc.).

Il y avait plusieurs façons d'ériger un mur. On parle dans l'Antiquité romaine d'Opus (appareillage) :

  • L'opus incertum, dont les pierres taillées sont maçonnées de façon irrégulière sans assise.
  • L'opus reticulatum où les pierres sont identiques et carrées. Leur appareillage forme un damier harmonieux en lignes diagonales. Cet appareil est plus souvent utilisé pour les murs de parement.
  • L'opus quasi reticulatum dans lequel les pierres sont posées en damier diagonal irrégulier.
  • L'opus mixtum où plusieurs assises de moellons de pierres alternent avec plusieurs couches de briques plates.
  • L'opus vittatum est utilisé pour les murs de parement faits de petits moellons rectangulaires en pierre, disposés en assises régulières alternées.
  • L'opus latericium fait entièrement de briques en terre crue, ou testaceum fait de briques en terre cuite.
  • L'opus sectile est un assemblage de carreaux de marbres qui ressemble à la mosaïque

Exemple d'un mur en opus mixtum




Les murs épais étaient fait de deux beaux parements entre lesquels on remplissait l'espace vide de mortier, de pierres et de briques du tout-venant.
Voici ce qu'écrivait Vitruve :

« Il est une troisième manière, que l'on appelle ἔμπλεκτον, dont se servent nos villageois. Les pierres qui forment les parements sont unies. On remplit le milieu avec du mortier, dans lequel on jette pêle-mêle des pierres, sans autre liaison que celle que leur donne le hasard. Mais nos maçons, pour accélérer leur travail, font des assises composées de plusieurs pierres superposées, et n'ont égard qu'aux parements, dont ils garnissent l'intérieur avec des fragments de moellons qu'ils mêlent avec le mortier. Aussi y a-t-il dans cette espèce de maçonnerie trois couches de mortier, deux pour l'enduit des parements, et la troisième au milieu pour le blocage. »

(Vitruve : De l'architecture. Tome premier / trad. nouvelle par M. Ch.-L. Maufras, C. L. F. Panckoucke, 1847)

Quant aux cloisons intérieures, elles pouvaient être faites de torchis sur lesquels étaient ensuite appliqué un enduit peint.
Alors que les murs extérieurs en pierres étaient le plus souvent revêtus d'un crépi, on appliquait un enduit sur les murs intérieurs.
Pour une décoration plus sophistiquée, on faisait appel à des artisans itinérants spécialisés dans la pose de mosaïques ou dans la réalisation de fresques et de décors peints.
On a retrouvé des traces d'enduits peints, même dans les villas les plus rustiques du nord de la Gaule !
Les rares découvertes de fragments de verre à vitre confirment que ce matériau était utilisé pour obturer les ouvertures de fenêtres. Il est aussi possible que de fines peaux de bêtes, plus ou moins transparentes, étaient utilisées pour fermer certaines ouvertures. Enfin, quelques bas-reliefs nous montrent que de lourdes tentures étaient utilisées pour fermer certaines pièces de l'habitat.

Bas-relief du Musée d'Arlon avec toiture en ardoise et une tenture




Janvier 2020
Ph. Laval