Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

jeudi 1 avril 2021

Une villa romaine sur la Côte d'Azur

Les vestiges archéologiques du site de Pardigon II

«La paix revenue [après la bataille d'Actium], les nombreuses légions furent démobilisées ; les légionnaires se virent attribuer le titre de citoyen romain, un pécule et des terres pour y vivre de leur exploitation, en particulier en Gaule toujours prête à la révolte. La VIIIème légion (Legio Octava Norum), la légion d’Auguste, fut installée dans les maures et l’Estérel, avec Fréjus comme capitale locale et c’est dans ce cadre que les 6 à 8 000 hommes reçurent des terres par tirage au sort de domaine établis par les géomètres romains regroupant des lots de 700 mètres de côté.

Les villas romaines de La Croix Valmer, Cavalaire, Sainte-Maxime... virent le jour, simples cabanes au départ, puis villas structurées et florissantes, cultivant avec succès les vignes qui furent la plus grande richesse économique de cette période. Celle de Pardigon II devint avec 3 600 m2 la plus grande des villas maritimes du sud de la Gaule, encore visible aujourd’hui. »

(André Falconnet, Président de l’association archéologique Aristide Fabre qui œuvre pour la réhabilitation du site).

Vue aérienne



La villa de Pardigon II connaît son occupation et son développement majeurs entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C. Son abandon est daté vers la fin du Ve siècle après J.-C.

Maquette



La première phase de découverte correspond à une reconstruction totale afin d'aménager une villa autour du milieu ou durant le troisième quart du Ier siècle ap. J.-C., puis à des agrandissements successifs et des modifications intervenus jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C.

Plan



La villa durant le Bas-Empire romain

La seconde phase marque une restructuration complète de la villa vers le IVe siècle, avec en particulier l'abandon de l'aile thermale.

Cet ensemble ouvre sur la cour centrale, ornée alors d'un bassin d'agrément rectangulaire, tandis que trois cuves, dont seuls les fonds ont été conservés, sont aménagés dans le corps principal de la villa, indiquant sa transformation au moins partielle, en espace agricole.

Un nouvel ensemble thermal, plus modeste, est aménagé dans les bâtiments de la villa. Un four de tuilier est édifié au sud, à l'extérieur des bâtiments.

La villa est définitivement abandonnée au cours du VIe siècle ap. J.-C.

Vue d'ensemble



L'époque mérovingienne

Les ruines de la villa sont très partiellement réoccupées dans le courant du VIIe siècle. Un grand foyer installé dans une pièce proche de la cour sud a livré un mobilier caractéristique formé de céramiques modelées, pour l'essentiel des pots attestés dans des contextes de la période mérovingienne. Le site est ensuite déserté plusieurs siècles durant.

L'époque médiévale

Au cours du bas Moyen Age, la villa est exploitée comme carrière de pierres à bâtir et de pierres à chaux. Un four est creusé dans la partie sud de la villa, dont le mur de soutènement a été percé d'un orifice et le sol excavé pour aménager une chambre de chauffe. Devant la chambre de chauffe et à ses abords, les niveaux contemporains ont livré quelques tessons de céramique datant du XIVe siècle qui témoignent probablement de la période de l'utilisation du four.

L'occupation contemporaine (vestiges de la douane)

Acheté par ''Pierre et Vacances'' dans les années 1980, le terrain devait faire l'objet d'une Z.A.C. (Zone d'Aménagement Concertée) à vocation touristique. Grâce à l'action des associations locales de protection de l'environnement, le site est protégé depuis 2009. Il est propriété du Conservatoire du Littoral depuis 2013. (Source : Françoise Laurier, Service du Patrimoine et de l'Archéologie, Département du Var, 2016).

En 1895, l'administration des douanes fait construire une caserne sur l'emplacement de la villa romaine. Ses fondations, qui ont largement entamé et parfois détruit les vestiges romains, sont clairement lisibles sur le site.

Le bâtiment, d'une surface de 410 m2 environ, comportait un étage ainsi qu'une cave de 66 m2 environ.

En 1906, vingt-trois personnes dont dix douaniers résident à la caserne de Pardigon qui a remplacé depuis 1905 les postes de Cavalaire et du Vergeron. En 1926, il n'y a plus que six douaniers en poste et la caserne est inoccupée en 1935.

Fin 1943, les Allemands feront sauter la caserne dans le cadre de leur programme de défense des plages de débarquement.


Les fouilles et le projet de valorisation du site

Historique des recherches

Le site de Pardigon est connu depuis le début du XIXe siècle sous le nom des Boutigo. L'annuaire du Var de 1832 y signale la découverte d'une dizaine de monnaies romaines.

En 1895, une caserne de l'administration des douanes est édifiée à cet emplacement, entraînant d'autres découvertes archéologiques.

A partir de 1983, la menace de destruction occasionnée par un projet de parcours de golf débouche sur des fouilles entreprises en partenariat avec le Service Régional de l'Archéologie (D.R.A.C. P.A.C.A.), d'une part et le Centre de Documentation Archéologique du Var associé au Groupement Archéologique de Cavalaire d'autre part. Les opérations ont été de trois types : des sondages d'abord, suivis d'une fouille de sauvetage à laquelle succède une fouille programmée. Ces opérations porteront principalement sur deux sites. Pardigon 2 et Pardigon 1 et 3, deux villas d'époque romaine distantes de 500 m environ l'une de l'autre. Sur Pardigon 2, les sondages préliminaires sont réalisés en 1983. S'ensuivent trois campagnes de fouilles de sauvetage de 1984 à 1986, puis trois campagnes de fouilles programmées entre 1988 et 1990.

Les fouilles archéologiques ont permis de dégager un secteur de la partie résidentielle de la villa gallo-romaine ainsi qu'une portion limitée et très détruite de la partie agricole au nord. Le site a connu une longue occupation allant du Ier siècle av. J.-C. Au VIIe siècle apr. J.-C., suivie d'une réoccupation ponctuelle au Moyen Age (four à chaux) et se terminant par la construction de la douane au XIXe siècle.

La villa gallo-romaine était établie sur une légère éminence formée d'alluvions consolidées (plage de galets de formation ancienne, possiblement du Tyrrhénien, il y a environ 12 000 ans). Elle est aujourd'hui bordée au sud par un étang, creusé par les excavations de la fouille archéologique, qui se réactive selon la pluviométrie saisonnière.

Aujourd'hui

Le Conservatoire du Littoral avec l'aide de la commune de la Croix Valmer prévoient d'effectuer des travaux de cristallisation afin de permettre au public d'approcher ce site de plus près.

Ces travaux consisteront tout d'abord à stabiliser les murs de l'époque romaine et à remblayer partiellement les parties les plus abîmées par le temps, dans le but de les conserver. Une ouverture au public pourra être alors envisagée avec un parcours possible sur une passerelle au dessus du site.

«Ce site de Pardigon II nous invite à découvrir l’histoire riche, ancienne et passionnante de notre région occupée par des hommes et des femmes bien avant notre ère. Il est classé « site remarquable » depuis 2009 grâce aux associations locales de protection de l’environnement et est devenu propriété du Conservatoire du littoral depuis 2013. Après des périodes successives de nettoyage, de fouilles et d’abandon, le site a été dernièrement remis en valeur grâce à l’action conjuguée du Conservatoire du littoral, de la municipalité de La Croix Valmer et de l’association archéologique Aristide Fabre. Je tiens tout particulièrement à remercier les intervenants qui ont permis la renaissance de ce site primordial pour l’histoire de notre commune. Désormais, la vue en surplomb de la villa donne une singularité à ce paysage et revêt un caractère culturel particulièrement important. Nul doute que chaque Croisien et touriste sera curieux de comprendre ce qu’il s’y passait et d’aller la découvrir. »

(Bernard Jobert, maire de La Croix Valmer)

Sources :

Les panneaux didactiques in situ et le site internet du tourisme de la Croix Valmer pour les citations : http://www.lacroixvalmertourisme.com/fr/qualite-de-vie/patrimoine/villa-gallo-romaine-de-pardigon-2

Merci à Monsieur Jean-Paul Slonina et à l'Association Archéologique Aristide Fabre pour les renseignements et les photos, (www.fabrearcheo-var.fr)

Vidéo



Avril 2021