Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

vendredi 19 janvier 2018

Extraits de quelques auteurs de l'Antiquité (1)

Plusieurs écrivains de l'Antiquité se sont intéressés à l'agriculture et aux domaines d'exploitations agricoles que sont les villas. Je vous propose de découvrir quelques extraits de leurs écrits parvenus jusqu'à nous, en commençant d'abord par une collection de textes latins de l'Antiquité traitant de l'agriculture, et éditée dans un recueil dès le XVe siècle sous le nom : « De re rustica ».

De Caton :

Caton (Marcus Porcius Cato), appelé aussi Caton l’Ancien ou Caton le Censeur, est un homme d’État et écrivain romain né en 234 av. J.-C. au municipe de Tusculum et mort en 149 av. J.-C.
Le seul ouvrage complet qui nous soit parvenu de lui est le « De agri cultura », un traité d’agriculture écrit vers -160, dans lequel il donne ses conseils pour l'acquisition et la gestion d'un domaine à la campagne.

Pour ceux qui veulent acheter un domaine, Caton donne ses conseils avisés.
(Caton, De l'agriculture 1, 1-4 ; texte établi et traduit par R. Goujard, Paris, 1975)

[1] Quand vous songerez à acquérir un domaine, ayez ceci présent à l'esprit : n'achetez pas en cédant à une envie, ne vous épargnez pas la peine de le visiter vous-même et ne vous contentez pas d'en faire le tour une fois; chaque fois que vous vous y rendrez, il vous plaira davantage si c'est un bon domaine.
[2] Prêtez attention à la mine des gens du voisinage : dans une bonne région, ils devront avoir bonne mine. Entrez dans la propriété et examinez comment vous pouvez en sortir. Que le climat soit bon, qu'elle ne soit pas exposée aux calamités agricoles; qu'elle vaille par la bonté du sol et par sa qualité propre. [3] Si possible, qu'elle soit au pied d'une colline, qu'elle soit exposée au midi, dans un endroit salubre. Qu'il y ait abondance de main-d'œuvre et un bon abreuvoir; qu'il y ait à proximité une ville importante ou la mer ou un cours d'eau où circulent les bateaux, ou une bonne route fréquentée. Qu'elle soit de ces champs qui ne changent pas souvent de maître ; que ceux qui, dans ces campagnes, auront vendu leur domaine, regrettent d'avoir vendu. Que les bâtiments soient bien construits. Gardez-vous de mépriser à la légère les leçons d'autrui; mieux vaudra acheter à un propriétaire bon cultivateur et bon constructeur.

De Varron :

Varron (Marcus Terentius Varro), né à Reate (Rieti) en Sabine en 116 av. J.-C. et mort en 27 av. J.-C., est un écrivain et chevalier romain.
Il est notamment l'auteur du « De re rustica libri III », un traité d'agriculture en trois volumes intégralement conservé qu'il destina à sa femme Fundania.

A l'instar de Caton, Varron insiste sur la proximité d’une route ou d'un cours d'eau, essentiel pour une villa de rapport.
(VarronÉconomie rurale, I, 16, 6 ; texte établi et traduit par J. Heurgon, Paris, 1978)

Ce qui augmente le revenu d'un domaine, ce sont les transports, s'il existe des routes où les chariots puissent circuler facilement, ou des cours d'eau à proximité, où l'on puisse naviguer : c'est par ces deux moyens, nous le savons, que beaucoup de choses sont portées au dehors ou au dedans des propriétés.

Pour la construction d'une villa, Varron souligne quelques détails importants comme la question de l’eau, la topographie du lieu d’implantation et son orientation.
(VarronÉconomie rurale, I, 11, 2-12, 1 ; texte établi et traduit par J. Heurgon, Paris, 1978)

[11, 2] On devra construire la ferme en veillant surtout à avoir de l’eau à l’intérieur de son enceinte, sinon le plus près possible : une eau qui, de préférence, y prenne sa source ou qui, à défaut, vienne y couler sans tarir. S’il n’y a pas du tout d’eau vive, il faut construire des citernes sous toit et un réservoir à l’air libre, les unes étant destinées aux hommes et le second au bétail.

[12, 1] On s’efforcera d’installer la ferme de préférence au pied d’une montagne boisée, où les pâturages sont vastes, et d’autre part exposée aux vents les plus salubres qui souffleront dans la propriété. Une ferme orientée au levant équinoxial se trouve dans une situation excellente car elle a de l’ombre en été, du soleil en hiver. Mais si l’on est forcé de la construire au bord d’un cours d’eau, il faut prendre garde de ne pas la placer en face : car en hiver elle sera extrêmement froide et en été malsaine.

A suivre...

dimanche 7 janvier 2018

La villa romaine de Bollendorf

La villa romaine de Bollendorf est située sur le versant Est de la vallée de la Sûre en Allemagne, non loin de la région mosellane de Trèves ; la Sûre faisant office de frontière entre l'Allemagne et le Grand-Duché du Luxembourg à cet endroit.

Bien qu'elle soit proche de la rivière, sa position en hauteur la protégeait des crues et des inondations, tout en lui offrant les avantages du cours d'eau (pêche, voie de communication).

D'un style classique pour nos régions, l'habitation principale mesure 27 m de long sur 23 m de large, et on y accédait par un escalier monumental en façade. Le bâtiment s'ouvrait au sud-ouest par un portique flanqué de deux tours d'angle, offrant ainsi une vue remarquable sur toute la vallée.

Le cellier, assez bien conservé, sous la colonnade, était accessible depuis la pièce centrale par un escalier impressionnant toujours en place aujourd'hui (voir photo).
Les thermes, à l'ouest du bâtiment, étaient composés d'un caldarium au nord, suivi d'un tepidarium, puis d'un frigidarium au sud, ainsi qu'une baignoire encastrée. Le praefurnium se trouvait dans la partie centrale du bâtiment.
Une pièce supplémentaire pourvue d'une entrée indépendante a été ajoutée au nord du corps de logis à une époque plus tardive.

D'après les fouilles archéologiques réalisées entre 1907 et 1910, la villa aurait été bâtie vers la fin du premier siècle de notre ère et aurait subsisté jusqu’au Ve siècle.

Depuis 1997, les vestiges, assez bien conservés, bénéficient d'une structure de protection ouverte dont le volume correspond plus ou moins à celui de la villa à l'époque de sa splendeur (voir photo). Ce travail a été réalisé à l'initiative de l'association « Eifelverein Bollendorf ».
L’Université des sciences appliquées de Trèves a conçu la structure de protection et le projet a été financé par l'église locale, le club Eiffel, l'association communautaire Irrel, l’État de Rhénanie-Palatinat et la Fondation allemande pour la protection des monuments.

L'accès aux vestiges est libre et ouvert toute l'année.


Quelques photos :

La façade                                                                                                                     Escalier du cellier



















Le plan


















Janvier 2018
Ph. Laval

lundi 1 janvier 2018

Qu'est ce qu'une villa romaine (suite 1) ?

Agencement et fonctionnement des villas

Quoique chaque villa fût différente l'une de l'autre, avec des particularités qui leurs étaient propres, on retrouve cependant les mêmes caractéristiques et infrastructures dans toutes les villas de l'empire. A savoir : une entrée s'ouvrant sur une galerie à colonnade, un atrium, une ou plusieurs salles de séjour, des chambres, une cuisine, une cave où étaient entreposées les victuailles, une ou plusieurs salles chauffées par hypocauste, des latrines et des thermes, qui se trouvaient au sein même de l'habitation, ou dans un bâtiment annexe à la villa.

En se basant sur les témoignages iconographiques parvenus jusqu'à nous, on suppose que de nombreuses villas étaient dotées d'un second étage, mais les fouilles archéologiques n'ont évidemment pas pu confirmer ce détail.
Il faut en effet savoir que bon nombre de villas ne nous ont laissé seulement que quelques murs arasés. Et c'est en déblayant les vestiges parsemées de nombreux fragments de tuiles et de pierres que l'on découvre souvent une cave dont la construction soignée laisse supposer que l'habitation devait être plutôt raffinée.

En prenant comme exemple le plan de la villa de Graux (voir le deuxième article publié), je vous propose une identification des différents locaux de l'habitation principale (pars urbana), qui sera plus ou moins hypothétique pour certaines pièces (1).



A) Cette grande pièce pouvait correspondre à l'atrium et/ou un oceus, une pièce de séjour où l'on pouvait recevoir les invités et organiser des réceptions (2). Cette salle devait être éclairée par les fenêtres percées en haut des murs (au-dessus des toitures de l'aile sud, ouest et nord. Voir la maquette).

B) La toiture de cette pièce était probablement plus basse que celle de la partie centrale du bâtiment. La pièce était éclairée par des fenêtres s'ouvrant au nord, et était accessible par le corridor C. Ce local aurait pu servir de cuisine (culina), car on y a retrouvé un petit espace (au sud-ouest de la pièce) contenant du charbon de bois mélangé à des cendres, de la terre noire et des écailles d’huîtres.

C) Le corridor relié au vestibule K, donnait accès à l'atrium A, aux pièces B, D, F et au corridor E.

D) Une meule en silex fut retrouvée dans ce petit local. Il s'agissait peut-être d'une dépendance de la cuisine où on moulait la farine.

E) Corridor d'accès au local G.

F) Cette pièce aurait pu servir de chambre (cubiculum) ou de salle à manger (triclinium).

G) Ce local aurait pu servir d'atelier (cella). Tout comme la pièce B, sa toiture devait être plus basse que celle de la partie centrale, permettant ainsi à la lumière de pénétrer par les fenêtres ouvertes sur la partie centrale (voir la maquette).

H) Cette pièce d'angle à l'est de la villa servait probablement de cave, puisque son niveau était inférieur de 0,60 m par rapport au niveau de la villa.

I) Ce petit local s'ouvrait sur la façade.

J) Non repris sur le plan.

K) Vestibule (vestibulum) d'entrée donnant accès à l'intérieur de la villa.

L) Petit local qui aurait pu être une chambre, ou peut-être une cage d'escalier pour un niveau supérieur éventuel de la pièce d'angle H (?).

M) Ce local abritait un praefurnium (foyer) qui chauffait la pièce N. Le tuyau d'évacuation de la baignoire (R) y passait pour sortir en dehors de la villa. On peut supposer que du bois nécessaire au foyer y était entreposé.

N) Cette pièce était chauffée par hypocauste. On y accédait probablement par l'atrium via le local P.

O) Cette pièce était également chauffée par hypocauste, mais le praefurnium se trouvait contre la villa et était alimenté de l'extérieur (V).

P) Un petit local donnant directement accès à la baignoire depuis l'atrium (3). Les latrines auraient pu se trouver dans cette pièce, ou dans le local M où le tuyau d'évacuation passe (?).

Q) Non repris sur le plan.

R) La baignoire dont les eaux étaient évacuées par un canal de décharge en direction du nord.

S) L'autre pièce d'angle à l'ouest de la villa pouvait servir de bureau (tablinum), de chambre ou autre.

T) Un local qui aurait également pu abriter un escalier d'accès au niveau supérieur de la pièce S (?).

U) Idem que le petit local I.

V) Le praefurnium du local O aurait aussi pu servir à chauffer l'eau de la baignoire R.

Notes :

1) La majorité des villas possédait un jardin d'agrément (hortus), et bien entendu des remises, des ateliers, des dépendances pour les esclaves et des étables pour le bétail (pars rustica).

2) Les villas du bassin méditerranéen comportaient souvent un impluvium au centre de l'atrium, mais il semblerait que les villas du nord en étaient dépourvues en raison de la rudesse du climat.

3) Dans les thermes des villas plus sophistiquées, il pouvait y avoir un caldarium, suivi d'un tepidarium, puis d'un frigidarium. Le caldarium étant la pièce la plus proche du foyer, et de ce fait la plus chaude. A suivre ...

Janvier 2018
Ph. Laval