Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

mercredi 14 février 2018

La villa gallo-romaine de Mageroy

Contexte

La villa romaine de Mageroy, située dans la frange ouest de la cité des Trévires à l'époque romaine, se trouve aujourd'hui à proximité du village d'Habay-la-Vieille, dans le sud de la Belgique.
La partie résidentielle s'élevait au sud de la rivière Rulles, sur le flanc nord de la première cuesta gaumaise culminant à 385 m d'altitude. Son implantation à la limite de l'Ardenne au nord et de la Lorraine au sud lui a permis un approvisionnement en matériaux de construction variés (schiste ardennais et grès lorrain).
Contrairement aux règles urbanistiques romaines, la villa fut bâtie dans le creux humide d'un petit vallon, lui offrant, certes, les avantages d'un ruisseau alimenté par plusieurs sources, mais obligeant aussi ses bâtisseurs à construire des fondations de près de 3,80 m par endroits, et l'édification d'une terrasse de sable artificielle sur le flanc Est du vallon, créant ainsi un sol nivelé à deux niveaux.

La voie romaine Reims-Trèves située à cinq kilomètres au sud de la villa, et la proximité du vicus d'Orolaunum (Arlon) à quinze kilomètres favorisaient les échanges de la villa avec le monde extérieur.

La découverte du site

Quoique le site fût déjà connu, de par sa toponymie particulière et la « légende des trois châteaux » attachées au lieu-dit « Mageroy », c'est Benoît Halbardier et Alain Thomas qui l'ont redécouvert en 1984, grâce à leurs prospections, et d'après les indications rapportées par l'ancien propriétaire de la parcelle en 1840.
A présent, c'est l'asbl ARC-HAB (Groupe d'archéologie de Habay) qui fouille et étudie le domaine de la villa tout en assurant sa mise en valeur et en développant plusieurs activités dans le but de sensibiliser le grand public au patrimoine et à l'archéologie.

(Plusieurs archéologues professionnels, ainsi que deux ouvriers et plusieurs dizaines de bénévoles collaborent avec l'asbl, administrée par neuf membres. Elle est aussi soutenue et aidée par le SPW (Direction de l'archéologie), le Forem, la Commune de Habay, le Commissariat Général au Tourisme, la Province du Luxembourg et quelques privés.)

Plan général

Les fouilles, toujours en cours, ont révélé une villa de plan axial à deux niveaux (partie basse à l’ouest, partie haute à l’est) occupée du milieu du 1er siècle à la fin du 4e siècle. La pars urbana comprend le corps de logis précédé d'une cour résidentielle fermée côté nord. Cet ensemble se trouve presqu'au centre de la pars rustica qui s’organise entre quatre bâtiments annexes, un grand bassin et trois fours à chaux. Tout cet espace était ceinturé sur trois côtés par un mur en schiste de 196,5 m à l’ouest, 143,5 m au sud et 172 m à l’est.

Les différentes phases d'occupation

Les fouilles ont pu démontrer plusieurs phases d'occupation du site. Du matériel archéologique a révélé la présence hypothétique d'un habitat en bois ou en torchis aux abord d'un étang, vers le milieu du premier siècle. Ensuite, la construction d'un corps de logis en grès jaune local est attestée, dès la fin du premier siècle, sur une terrasse artificielle dominant cet étang.

La façade de l'entrée, orienté au sud, était longue de 28 m et les murs latéraux mesuraient 19 m. De ce côté sud, la galerie à colonnade était ponctuée à chaque angle d’une petite pièce carrée d’environ 4 m de côté. Au centre se trouvait une grande salle de 170 m² pourvue d’un foyer. Cette salle était cernée à l’ouest par une aile rassemblant vraisemblablement les appartements et les pièces privatives, et à l’Est par des pièces communes. Le long des communs, un escalier menait à la cave située dans l’angle nord-est du bâtiment.

C'est au milieu du deuxième siècle que la villa atteindra son apogée. Elle est alors dotée de salles sur hypocaustes et de thermes. L'entrée étant désormais orientée au nord, et l'étang remplacé, à cette époque-là, par un bassin aquatique muré.

La découverte de nombreuses scories de fer, de bronze et des déchets de plomb semble indiquer la présence de plusieurs ateliers métallurgiques, au sein du domaine, qui ont pu fonctionner à différents moments.

Comme bon nombre d'établissements à l'époque, la villa de Mageroy a probablement été incendiée, lors des invasions barbares de la seconde moitié du 3e siècle (vers 262). Deux trésors monétaires retrouvés dans les décombres de la cave et de la grande salle confirmeraient cette hypothèse.
Néanmoins, le site fut réoccupé, et de nouveaux aménagements et constructions furent ajoutés, dont un important porche d'entrée, vers la fin du 3e siècle. L'occupation subsistera jusqu'à la fin du 4e siècle, avec plusieurs aménagements supplémentaires, dont des latrines, une tour-silo et deux séchoirs à grains. Le reste des constructions en place à cette époque-là fut fortifié par les nouveaux occupants.

Finalement, les ruines du site serviront de carrière de pierres pour la construction des forges de La Trapperie de Habay au 17e siècle.

Lien du site de Mageroy : https://www.villamageroy.com/

Merci à Jean-François Baltus, Marie Buczaga, François Casterman et Benoît Halbardier pour les informations fournies pour la rédaction de ce résumé.



Photo aérienne du site prise en juin 2017 (© Sébastien Lambot, Sensar Consulting)

Février 2018
Ph. Laval

jeudi 8 février 2018

Extraits de quelques auteurs de l'Antiquité (2)

De Columelle:

Columelle trace le portrait du domaine de ses rêves.

(Columelle, De l'agriculture, I, ii, 3-5 ; texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)

[3] Si la fortune souscrit à nos vœux, nous jouirons d’un domaine placé sous un ciel salubre, offrant un sol fertile, partie en plaine, partie sur des coteaux en pente légère vers l’est ou le sud ; consistant en cultures, en bois, en points sauvages ; ayant à portée la mer ou une rivière navigable, afin de pouvoir exporter les productions et importer les marchandises dont on a besoin. Qu'une plaine, partagée en prés et en labours, en saussaies et en plantations de roseaux, s’étendent au pied des bâtiments. [4] Que quelques collines soient privées d'arbres, afin de les réserver à la seule culture des céréales. Celles-ci prospèrent toutefois mieux dans les plaines dont la terre est grasse et médiocrement sèche, que sur les pentes raides. En conséquence, les champs à blé les plus élevés doivent s’étager en terrasses avec des pentes les plus douces possible, reproduisant de très près les conditions de plaine. Que d’autres collines encore soient revêtues d'oliviers, de vignes et de bois propres à fournir des échalas ; qu’elles puissent offrir de la pierre et du bois de charpente si on a besoin de bâtir, de même que des pâturages pour les troupeaux ; que de ces collines encore descendent des ruisseaux courant arroser les prés, les jardins et les saussaies, et des eaux jaillissant dans l’enceinte de la ferme. [5] Il ne manquera pas de troupeaux de gros bestiaux et d’autres quadrupèdes qui trouveront leur pâture dans les cultures et les broussailles. Mais ce fonds, dont nous rêvons, est difficile à trouver et rare, et peu de personnes en jouissent.

Conseils de Columelle pour le choix du lieu de l'habitation

(Columelle, De l'agriculture, I, v, 6-7 ; texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)

[6] Il ne faut pas non plus qu’un marais avoisine les bâtiments, ni qu’une route militaire passe à côté. Les eaux stagnantes exhalent, par l'effet des chaleurs, des miasmes empoisonnés et engendrent des insectes armés d'aiguillons hostiles, qui fondent sur nous en épais essaims. Elles répandent aussi la plaie des bestioles qui nagent et qui rampent et qui, privées de l’humidité de l’hiver, puisent leur venin dans la fange et l'ordure en fermentation. On en contracte souvent des maladies mystérieuses dont les médecins eux-mêmes ne peuvent démêler les causes. Là, toute l'année, la moisissure et l'humidité détériorent les instruments rustiques, les meubles et même les fruits de la terre, tant ceux qui sont serrés que ceux qui restent à découvert. [7] Par ailleurs, les voies publiques exposent le domaine aux déprédations des voyageurs qui passent, et à l’accueil incessant de gens qui s’écartent de la route, en quête d’un logis.

A suivre...

jeudi 1 février 2018

La villa romaine de Malagne à Jemelle (Rochefort)

Evocation de la villa, Benoît Clarys
Avec quelque 104 mètres de longueur, la villa de Malagne est incontestablement une des plus grandes villas du nord de Gaule. La propriété, constituée d'un corps de logis principal et de quatre annexes, est située en Famenne, à proximité immédiate des terres fertiles du plateau du Gerny.

La mise au jour des ruines de la pars urbana et de trois annexes fut réalisée par la Société archéologique de Namur en 1890-1891, et le résultat des fouilles fut publié cinq ans plus tard par A. Mahieu. Une seconde campagne de fouilles, plus approfondie, fut menée dès 1992 par la Direction de l'Archéologie du Ministère de la Région wallonne.

Si la proximité des riches terres agricoles du Gerny a favorisé l'implantation de la villa, le travail métallurgique est également attesté au sein du domaine par la découverte de plusieurs foyers de forge mis au jour dans une annexe.

Depuis la restauration des ruines, assez bien conservées, le site de Malagne a bénéficié d'un projet de mise en valeur à visée touristique et pédagogique. Le site est devenu un parc archéologique ouvert autant au grand public qu'aux écoles; et plusieurs programmes d'archéologie expérimentale y ont déjà été organisés.

A l'Archéoparc de Malagne, vous découvrirez les ruines restaurées de la villa, des annexes rebâties d'après les informations données par les auteurs antiques et les fouilles archéologiques réalisées dans le nord de la Gaule, des jardins "à la romaine" et des enclos où paissent des animaux de races proches de celles de l'Antiquité. Une boutique avec des produits spécifiques liés au thème de l'Archéoparc est accessible aux visiteurs et, plusieurs espaces pédagogiques sont prévus pour les enfants, dans le cadre de visites sur réservation uniquement.

Quelques vues ...








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Février 2018
Ph. Laval