Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

lundi 7 décembre 2020

Sur les traces de la louve capitoline

Louve capitoline, dom. public
La numismatique au secours de l'Histoire

Si vous avez eu l'occasion de visiter le Musée du Capitole à Rome, vous aurez certainement pu admirer le groupe statuaire formé de la Louve romaine allaitant les jumeaux Romulus et Rémus.

La louve en bronze, de 75 cm de haut sur 114 cm de long, a été façonnée selon la technique de « la cire perdue ».

Alors que la statue était depuis toujours supposée être d'origine étrusque, ou même grecque, datant du Ve siècle av. J.-C., des analyses au carbone 14 et avec la thermoluminescence, effectuées en 2006 par l'Université de Salento en Italie, ont révélé qu'il s'agirait d'une œuvre réalisée au XIIIe siècle de notre ère.

La statue aurait servi de fontaine au Moyen Age. Elle fut ensuite offerte à la ville de Rome par le pape Sixte IV en 1471. Elle fut alors déposée dans l'église Saint-Théodore-au-Palatin, avant d'être placée sur la façade du Capitole, puis transférée à l'intérieur au milieu du XVIe siècle.

Quant aux statues des enfants Romulus et Rémus, elles auraient été sculptées par l'artiste Florentin Antonio Pollaiuolo et rajoutées à l'animal au XVe siècle. Le groupe statuaire aurait finalement rejoint le palais des Conservateurs, qui fait partie du Musée du Capitole, après 18761.

Cependant, la controverse sur sa datation persiste encore et l'unanimité des scientifiques et historiens sur son origine n'est toujours pas acquise à ce jour.

Comme chacun sait, cette statue est un symbole très important pour l'Urbs2, puisqu'elle illustre un épisode célèbre de la fondation légendaire de la Ville rapporté par plusieurs auteurs antiques.3

Pour rappel :

« Romulus et son frère jumeau Rémus sont les fils de la vestale Rhéa Silvia et du dieu Mars. Rhéa Silvia est la fille de Numitor, roi de la légendaire ville latine d'Albe la Longue (fondée par Ascagne, fils d'Énée) et dépossédé du trône par son frère Amulius. Celui-ci, craignant que ses petits-neveux ne réclament leur dû en grandissant, prend prétexte qu'ils sont les fils d'une vestale, qui avait fait vœu de chasteté, et ordonne qu'on les jette dans le Tibre.

Mais l'ordre est mal exécuté, les nouveau-nés sont abandonnés dans un panier sur le fleuve, survivent (par la probable protection des dieux), et sont découverts sous un figuier sauvage (le Ficus Ruminalis) situé devant l'entrée de la grotte du Lupercale, au pied du Palatin, par une louve qui les allaita et par un pivert, l'oiseau de Mars.

Tite-Live et Plutarque rapportent une autre explication de la légende : les jumeaux auraient été découverts dans la grotte du Lupercale, par le berger Faustulus, gardien des troupeaux d'Amulius. Celui-ci les aurait confiés aux bons soins de sa femme Larentia, une prostituée que les bergers surnommaient Lupa, « la Louve ». Ce serait donc par un jeu symbolique que d'autres auteurs latins auraient créé le mythe de la louve biologique mère de Rémus et Romulus, tirant parti de la puissance redoutable de l'animal au profit de leur cité.

Plus tard, les jumeaux, à qui est révélé le secret de leur naissance, tueront Amulius (égorgé par Rémus selon certains, transpercé par l'épée de Romulus selon d'autres) et restaureront leur grand-père Numitor sur le trône d'Albi.

Les jumeaux décident alors de fonder une ville et choisissent pour emplacement « l'endroit où ils avaient été abandonnés et où ils avaient passé leur enfance ». Selon Tite-Live, c'est le droit de nommer la ville et donc celui de la gouverner qui serait à l'origine du conflit fratricide. L'Urbs (la Ville) est fondée le 21 avril 753 avant J.-C. (début du calendrier romain)

Pour se départager, les jumeaux consultent les augures. Romulus se place sur le Mont Palatin, Rémus sur l'Aventin. Rémus a le premier aperçu six vautours, mais Romulus a fini par en observer douze. Pour Plutarque, Rémus en a effectivement vu six, mais Romulus a menti : si douze vautours finissent par lui apparaître, c'est après le terme du décompte. En apprenant qu'il a été grugé, Rémus se rebelle. C'est à cause de cet événement que les Romains consultent principalement les vautours quand ils prennent les augures. »4

Dans l'Antiquité, plusieurs auteurs mentionnent déjà la statue d'une louve accompagnée des Jumeaux. D'après leurs récits, il devait y avoir au moins deux groupes statuaires composés d'une louve et de deux Jumeaux.

L'historien romain Tite-Live (-59 à 17) nous parle d'un groupe statuaire façonné à l'initiative des deux frères Ogulnii, qui étaient édiles curules, en 296 av. J.-C. Selon l'auteur, ces statues se trouvaient près du figuier Ruminal. Mais il semblerait que Tite-Live parlait d'un figuier se trouvant sur le forum et non de celui qui était planté près de la grotte Lupercal.

« (11) La même année, Cneius et Quintus Ogulnius, édiles curules, assignèrent quelques usuriers; (12) leurs biens furent confisqués, et, avec ce qui revint au trésor, les édiles curules firent placer des portes de bronze au Capitole, des vases d'argent, de quoi garnir trois tables, dans la nef de Jupiter, une statue de Jupiter avec son quadrige sur le faîte du temple et, près du figuier Ruminal, des images des enfants fondateurs de Rome sous les mamelles de la louve; ils pavèrent aussi, en pierres carrées, un trottoir, de la porte Capène au temple de Mars. » (Tite-Live, Histoire romaine, livre X, chap. 23, 11-12. Trad. Philippe Remacle, Paris, 1996).

Ce que Pline l'Ancien (23 à 79) confirme :

« [4] Dans le forum même, et au milieu des comices, on cultive un figuier, en mémoire d'une consécration faite pour la foudre qui tomba en ce lieu, ou plutôt en mémoire d'un autre figuier qui abrita [sur les bords du Tibre] Romulus et Rémus, nos fondateurs, et qu'on nomma ruminal parce que, sous son feuillage, fut trouvée la louve donnant aux enfants sa mamelle, en vieux latin rumen : un groupe en bronze représentant cette merveille a été consacré par l'augure Attus Navius dans le forum, comme si le figuier ruminal y avait passé spontanément [des bords du Tibre ]. Là cet arbre se dessèche, mais les prêtres ont soin, de le renouveler. » (Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre XV, chap. 20. Trad. Dubochet, Paris, 1848-1850, Ed. Emile Littré).

Une autre statue aurait été aperçue par Denys d'Halicarnasse (-60 à -8) près de la grotte Lupercal, restaurée par l'empereur Auguste, vers la fin du 1er siècle av. J.-C.

« 8. Alors il y avait non loin de là un endroit sacré, recouvert d’un bois épais, et d'une roche creuse de laquelle jaillissaient des sources; on disait que ce bois était consacré à Pan, et il y avait là un autel de ce dieu. C’est à cet endroit que la louve vint se cacher. Ce bois n’existe plus, mais la caverne où coulent les sources est encore présente, construite sur le côté du Palatin sur la route qui mène au cirque, et tout près il y a une enceinte sacrée dans laquelle se trouve une statue commémorant l’événement; elle représente une louve allaitant deux enfants en bas âge, les figures sont en bronze et d’exécution ancienne. On dit que cette endroit est un sanctuaire des Arcadiens qui autrefois y habitèrent avec Evandre. » (Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, livre I, chap. LXXIX, 8. Trad. Philippe Remacle)

Or, c'est précisément en ce lieu, situé sous le Palatin, que se trouvait la grotte Lupercal et le figuier Ruminal ; à l'endroit même où, selon le mythe, le chef des bergers royaux Faustulus découvrit les deux Jumeaux recueillis par la louve.

Il est difficile de dire si cette statue datait de la restauration de la grotte par Auguste ou s'il s'agissait d'une œuvre plus ancienne comme le suggérait Denys d'Halicarnasse.

Quoi qu'il en soit, la louve des frère Ogulnii, qui se trouvait sur le forum, ne fut pas anéantie par la foudre tombée en 65 av. J.-C., et on peut supposer qu'elle subsista encore un certain temps.

Cet évènement est mentionné par Dion Cassius (155 à ap. 235) dans son livre « Histoire romaine » et par Cicéron (-106 à -43) dans sa troisième Catilinaire rédigée en l'an 63 av. J.-C.

« 9. Ces fêtes et ces jeux comblaient les Romains de joie ; mais divers prodiges les remplirent de terreur. Au Capitole, plusieurs statues humaines et plusieurs statues des dieux, entre autres celle de Jupiter, qui était placée sur une colonne, furent fondues par le feu de la foudre ; une image de la louve allaitant Romulus et Rémus, fut renversée de son piédestal ; les lettres gravées sur les colonnes qui portaient le texte des lois, furent confondues et obscurcies. Tous les sacrifices expiatoires prescrits par les devins, furent célébrés, et l'on décréta qu'il serait érigé en l'honneur de Jupiter une statue plus grande, ayant la face tournée du côté de l'orient et du Forum, afin d'obtenir la découverte des conspirations qui troublaient Rome. » (Dion Cassius, Histoire romaine, livre XXXVII, 9. Trad. E. Gros).

« Vous vous souvenez sans doute que, sous le consulat de Cotta et de Torquatus, plusieurs points élevés du Capitole furent atteints de la foudre : elle déplaça les images des dieux, renversa les statues des antiques héros, fondit les tables d'airain dépositaires de nos lois ; elle n'épargna pas même le fondateur de cette ville, Romulus, dont vous savez qu'une statue dorée, placée dans le Capitole, représentait l'image sous les traits d'un enfant nouveau-né, ouvrant la bouche pour presser les mamelles d'une louve. » (Cicéron, 3e catilinaire, chap. 8)5

Pour certains historiens6, ce serait cette louve, ou une autre aussi ancienne, (sans les Jumeaux) qui se trouverait actuellement exposée au Musée du Capitole. Bien que tombée de son piédestal, celle du forum n'aurait pas été détruite par la foudre.

Mais, en dépit des arguments avancés par les partisans de cette hypothèse, la louve capitoline exposée aujourd'hui est tout de même fort différente des représentations antiques que nous en avons.

En effet, par chance, nous disposons de nombreuses représentations de cette louve antique. Elle figure aussi bien sur des bas-reliefs que sur le revers de nombreuses monnaies datées de la République au Bas-Empire. Or, toutes les images qui nous sont parvenues de cette louve depuis l'Antiquité montrent l'animal, les pattes avant étendues pour permettre l'allaitement des nourrissons. Sa tête à gauche, ou parfois à droite, est tournée vers l'arrière comme pour veiller sur les Jumeaux, ou parfois aussi pour les lécher.

Il paraît donc peu probable que la louve exposée au Capitole soit de facture antique. Ainsi, l'examen scientifique de 2006 ne fait que corroborer un fait historique déjà étayé par la numismatique. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit là d'une œuvre d'art remarquable, témoin du mythe fondateur de la Ville.

Quelques représentations sur les monnaies :


Didrachme Quadrigatus, vers 264-255 av. J.-C., Rome

A/ Tête diadémée d'Hercule à droite portant une peau de lion autour du cou, massue sur l'épaule.

R/ Louve debout à droite, tête tournée à l'arrière, allaitant les jumeaux Romulus et Rémus. ROMANO à l'exergue.

Réf. : Crawford 20/1; Sydenham 6; BMCRR romano-campanien 28-30; Kestner 38-9; RBW 23; RSC 8.

Source : CNG (Classical Numismatic Groupe, LLC)



Antoninien de Philippe l'Arabe, Rome, 248

A/ IMP PHILIPPVS AVG Buste radié, drapé et cuirassé de Philippe I à droite, vu de trois quarts.

R/ SAECVLARES/ -/-//II La louve à gauche, allaitant Romulus et Rémus

Réf. : RIC. 15

Source : Cgb.fr (Numismatique Paris)



Nummus (AE) commémoratif de la ville de Rome frappé sous Constantin I à Antioche, 330-335 ap. J.-C.

A/ VRBS ROMA. Buste caqué de Roma à gauche, portant un manteau impérial.

R/ Louve debout à gauche, tête tournée vers l'arrière, allaitant Romulus et Remus. Deux étoiles au-dessus, SMANΘ à l'exergue.

Réf. : RIC. 91, 1,56 gr. Ø 17 mm.

Source : Roma Numismatics Ltd

Notes et références:

1° Source Wikipédia

2° La Ville (de Rome) en latin

3° Notamment Tite-Live dans Histoire romaine et Plutarque dans La vie de Romulus

https://www.histophile.com/dictionnaire/romulus-et-remus 

https://mediterranees.net/index.html

6° De Brosses et Winckelmann défendaient déjà cette idée au XVIIIe siècle (Jérôme Carcopino, La louve du Capitole (II), Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°5, octobre 1924, p. 34).

(Article publié en octobre 2020 dans le bulletin du Cercle numismatique de Val de Salm)

Ph. Laval

dimanche 1 novembre 2020

Le dessin archéologique

A la différence de l'illustration archéologique qui évoque d'une manière esthétique un objet ancien ou un lieu historique, le dessinateur en archéologie s'attache plutôt à restituer de façon précise et détaillée un relevé de fouille et le mobilier archéologique mis au jour sur le site en question. Le travail de chacun se complétant harmonieusement : l'un apportant la rigueur scientifique et l'autre la suggestion artistique.

Bien mieux qu'une photo, le dessin archéologique s'avère indispensable lors d'une campagne de fouilles. Un site mis à nu et excavé sera inévitablement détruit, complétement ou en partie, au cours de la fouille. Les relevés détaillés en plan et profil constitueront les seuls documents d'étude mis à disposition de l'archéologue avec les photos et les notes du rapport de fouille. Les dessins des relevés, des coupes et des éléments architecturaux permettront de comprendre l'évolution chronologique du site, avec ses différents niveaux stratigraphiques, l'emplacement précis des artéfacts découverts et les différentes structures du terrain fouillé. Ensuite, le dessin mis au net illustrera utilement le rapport final de la fouille lors d'une publication ultérieure. Le dessin pourra également servir à établir une représentation en 3D du site grâce à la photogrammétrie.

Pour les objets, le dessin est incontestablement plus précis que la photo. Il restitue l'objet aux dimensions exactes ou à l'échelle et souligne les détails, que le cliché ne peut laisser apparaître, grâce aux conventions utilisées en dessin archéologique (traits de polissage, de brisures, de coupe, etc.). Ici aussi, il constituera un document de base pour une restitution en 3D par la photogrammétrie.

Le plus souvent, le(la) dessinateur(trice) en archéologie est également archéologue de formation, mais pas toujours. Quoi qu'il en soit, cette discipline requiert un certain talent pour le dessin et surtout beaucoup de rigueur pour être capable de restituer le plus fidèlement possible un relevé ou un objet.

Vidéo :

 

Ph. Laval

jeudi 1 octobre 2020

Une villa romaine au pays des Helvètes

Introduction

Construite autour de 170 de notre ère et couvrant 16 ha, la villa rustica d’Orbe-Boscéaz est le plus grand domaine rural connu en Suisse à l’époque romaine. La luxueuse résidence du propriétaire avait des dimensions exceptionnelles, 230 x 90 m, et elle était organisée autour de cinq cours, dont les deux principales étaient entourées de galeries à colonnes.

Des bains privés, équipés de bassins chauffés, étaient rattachés à cette partie résidentielle. Plusieurs pièces, de réception ou d’usage privé, étaient décorées de riches mosaïques au sol. L’ensemble était desservi par un système complet d’alimentation et d’évacuation d’eau, et certains tronçons d’égouts sont encore très bien conservés.

Le mur d’enceinte du domaine formait un carré d’environ 400 mètres de côté, et plusieurs bâtiments liés à l’exploitation du domaine y étaient accolés. A l’ouest du mur d’enceinte, un temple dédié au dieu perse Mithra a été construit au début du IIIème siècle.

De 1986 à 2004, le site a été le chantier école de l'Institut d'Archéologie et des Sciences de l'Antiquité de l'Université de Lausanne, et c'est durant cette période que l'intégralité de la partie résidentielle a pu être étudiée. Les ouvrages Urba 1 et Urba 2, qui sont les publications finales de ces fouilles, sont en vente au pavillon d'accueil.

Maquette de la villa (restitution hypothétique)


                              Photo: Sylvain Gailloud

Les mosaïques

Neuf mosaïques, découvertes au XIXème et au XXème siècles, sont les seuls vestiges actuellement visibles de cet important établissement. Elles sont le plus bel ensemble de mosaïques romaines connu au nord des Alpes. Conservées à leur emplacement d’origine sous plusieurs pavillons, elles offrent une grande variété de décors comme la mythologie ou encore des compositions géométriques. Un pavillon d’accueil présente une exposition avec une maquette de la partie résidentielle et une animation multimédia.

Pavillon 4 : mosaïque 8

Ornant une pièce de repos appartenant à l'aile thermale, cette mosaïque est l'une des plus belles et aussi l'une des mieux conservées du site. Les divinités de la semaine (Luna, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne, Sol) sont représentées dans des médaillons hexagonaux, de même que différentes figures mythologiques (Tritons et Néréides, Ganymède, Narcisse). Les angles sont occupés par le buste des saisons et les bords par des scènes de chasse.

Le pavillon abrite également trois bornes milliaires découvertes dans la région.


                                        Photo: Fibbi-Aeppli, Grandson


Pavillon 3 : mosaïques 6 et 7

Ce pavillon abrite deux mosaïques partiellement conservées qui décoraient des pièces probablement destinées à la réception des hôtes du propriétaire du domaine. La partie conservée de la mosaïque 6, dite du Cortège rustique, représente de gauche à droite un chariot tiré par deux bœufs et conduit par un charretier ; un oiseleur tenant un pot de glu et des baguettes ; un troisième personnage (berger ou chasseur) jouant de la corne. Il y a eu plusieurs interprétations pour cette mosaïque, et la plus probable y voit la mosaïque complète comme un calendrier et la scène conservée représenterait la saison hivernale.


                                                   Photo: Sylvain Gailloud

La mosaïque 7, représentant un décor géométrique avec des cubes en trompe-l'œil, décorait un couloir qui donnait accès à la pièce de la mosaïque 6.


                                        Photo: Sylvain Gailloud


Pavillon 2 : mosaïques 4 et 5

Ces mosaïques, ayant un décor illustrant des récits de la mythologie gréco-romaine, ornaient des pièces de l'appartement privé du propriétaire du domaine. La mosaïque 5 représente le labyrinthe, de forme carrée, avec en son centre le combat de Thésée et du Minotaure. Cette scène, connue par une lithographie réalisée peu après sa découverte, est malheureusement perdue suite au recouvrement de la mosaïque et sa redécouverte bien des années plus tard. Sur un côté, une bande à décor géométrique indique l'emplacement probable d'un lit.

La mosaïque n° 4, dite du Triton, était l'une des plus grandes et aussi l'une des plus belles de la villa. Malheureusement, elle a été en grande partie détruite quelques mois après sa découverte, et il n'en reste plus que quelques fragments, dont la plupart sont conservés sur place. Une lithographie, réalisée avant sa destruction, nous permet de connaître son aspect d'origine. La partie principale était composée de plusieurs médaillons avec des animaux, les saisons, Thésée et Ariane, Orphée, Ménade ainsi que des motifs floraux. La mosaïque avait une bordure avec des motifs végétaux et une abside ayant des motifs marins, dont un triton.


                                        Photo: Sylvain Gailloud


Pavillon 1 : mosaïques 1, 2 et 3

Ce pavillon abrite la mosaïque 2, entièrement conservée, ainsi les mosaïques 1 et 3 dont seuls quelques fragments sont conservés. Ces trois mosaïques ornaient des pièces de réception dans la partie résidentielle. La pièce de la mosaïque 2 servait de vestibule pour accéder au deux autres pièces. La mosaïque, dite "à feuilles de laurier" est composée de fuseaux et de carrés noirs et blancs. Les pièces des mosaïques 1 et 3 avaient une abside sur le côté Nord et étaient très probablement des salles à manger. La mosaïque 1 avait sa partie principale composée de médaillons carrés à décor géométrique et entourée d'une bordure de guillochis. Le décor de l'abside est uniquement connu par deux fragments de la bordure tressée. La mosaïque 3, dont il ne reste que l'angle sud-ouest, était composée de médaillons carrés avec des motifs floraux et une bordure tressée à double brin.

Pavillon 5 : mosaïque 9

La mosaïque 9, dite "d'Achille à Skyros", a été découverte en 1993 lors des fouilles de l'Université de Lausanne. Cette mosaïque ornait le sol d'une salle interprétée comme une bibliothèque. Elle est composée de deux tableaux centraux entourés par trente médaillons de motifs variés. Les tableaux centraux évoquent un épisode particulier de la guerre de Troie : Ulysse démasquant Achille sur l'île de Skyros. Dans le tableau supérieur, Ulysse portant un armement double et accompagné par un esclave jouant du tuba. Dans le tableau inférieur, Achille au milieu du gynécée, portant des armes et accompagné par sa fiancée.


                                           Photo: Jean-Paul Guinnard

Cette mosaïque étant en cours de restauration, il n'est possible de la voir que lors d'événements ponctuels comme les journées portes ouvertes organisées par l'association Pro Urba. Un panneau d'information sur cette mosaïque est visible dans le pavillon 2

Source et info pour visiter le site Pro-Urba : https://www.pro-urba.ch/

Je remercie Messieurs Sylvain Gailloud (http://www.archeoplus.ch/fr/presentation-fr.htm ) Fibbi-Aeppli, Grandson et Jean-Paul Guinnard  pour leurs photos.

Vidéo :


mardi 1 septembre 2020

L'avantage de vivre à la campagne au IVe siècle

Qui, mieux que le poète Ausone, aurait pu nous décrire la vie tumultueuse de Burdigala et l'avantage de pouvoir vivre à la campagne ? ...


samedi 1 août 2020

Un illustrateur en archéologie de talent !

Comme l'année dernière à la même période, je voudrais vous présenter un illustrateur en archéologie, dont j'apprécie beaucoup les aquarelles et les pastels pour la finesse du dessin, le choix des couleurs et le souci du détail apporté par l'artiste.

Benoît Clarys est né en 1958 à Standerton en Afrique du Sud. Il déménage avec ses parents dans le nord de la France, quand il a deux ans. Durant son enfance, il parcours la campagne et commence à s'intéresser à la préhistoire, lorsqu'il découvre des pierres taillées par les Néandertaliens au beau milieu des champs.

Passionné par le dessin, il s'inscrit à l'Ecole supérieure des Arts de Saint-Luc, puis, après ses humanités artistiques, il poursuit ses études dans la section « Communication visuelle » à Tournai.

De 1983 à 1996, il travaille comme illustrateur publicitaire indépendant à Bruxelles et, à l'occasion de nouvelles rencontres, il redécouvre son intérêt pour l'archéologie en 1985. Il réussit alors à marier sa passion à sa profession à partir de 1989.

Depuis, il travaille pour de nombreux musées européens, dont celui du Malgré-tout à Treignes en Belgique, les Musées d'Histoire et d'Art et des Sciences Naturelles au Luxembourg, le Musée cantonal de Zug en Suisse, ou encore pour le Musée Archéologique de Reinach et le Landesmuseum Wurttemberg en Allemagne, le Musée des Sciences Naturelles de Paris, puis ceux d'Arras, de Boulogne-sur-Mer, de Saint-Dizier, de Nantes, Le Grand site de l'Aven d'Orgnac, le Musée de la Préhistoire d'Ile de France à Nemours, etc. Il réalise également des illustrations pour des livres, des revues spécialisées et pour des articles archéologiques. Toute une série de cartes postales reproduisant ses œuvres sont disponibles dans plusieurs musées et librairies spécialisées.

Aujourd'hui, il vit en Ardèche et continue de vivre sa passion.

Si son domaine de prédilection reste avant tout la préhistoire, Benoît Clarys a également réalisé plusieurs illustrations évoquant la période gallo-romaine. En voici quelques-unes :
















Lien : http://www.benoit-clarys.com/

Août 2020

Ph. Laval

lundi 22 juin 2020

Les matériaux de construction dans la villa (3)

La mosaïque

Pour la plupart des archéologues, la mise au jour d'une mosaïque est toujours un événement exceptionnel et passionnant. Mais, si peu d'entre-elles sont parvenues intactes jusqu'à nous, certaines sont cependant de véritables chefs-d'oeuvre de l'art antique.
Les Grecs utilisaient déjà la mosaïque pour décorer leurs habitations, mais ce sont les Romains qui l'ont certainement sublimée.
Le nom « mosaïque » s'écrivait en latin « musivum opus » et provenait du mot grec « Movoa » signifiant « muse ».

Si la mosaïque était utilisée pour le pavement du sol et le revêtement mural des habitations, elle servait aussi dans la décoration des fontaines, des grottes et des nymphées. Son utilité était autant décorative que fonctionnelle, puisqu'elle protégeait les sols et les murs (surtout dans les thermes), tout en dévoilant des décors monochromes, bichromes ou polychromes comportant des motifs géométriques et ornementaux, des scènes de chasse, des végétaux, des animaux et des scènes de la mythologie.

Historique :

C'est au 8e siècle av. J.-C. que l'on voit apparaître les premières mosaïques de galets en Asie Mineure. De petits galets noirs, blancs et rouges d'un à deux centimètres étaient enfoncés verticalement sur un lit de mortier. Le décor géométrique était parfois entouré d'un fil de plomb pour accentuer le dessin.
Dès le 6e siècle av. J.-C. la technique de la mosaïque de galets se développera en Grèce. Et, au siècle suivant, les sujets figurés feront leur apparition à Corinthe et en Sicile. Ce savoir faire se répandra ensuite au 4e et 3e siècle av. J.-C. à Athènes, à Erétrie, à Olynthe, à Olympie, à Pella, à Rhodes, à Sicyone et en Egypte.

A l'époque d'Alexandre le Grand, la mosaïque de galets atteindra son apogée, notamment à Pella, capitale de la Macédoine.

On verra ensuite apparaître une technique nouvelle, précurseur des tesselles, dans laquelle des éclats de cailloux et de galets seront utilisés.

La mosaïque de tesselles apparaît au milieu du 3e siècle av. J.-C. Le plus ancien pavement en tesselles ayant été découvert dans la « maison de Ganymède » à Morgantina, en Sicile.

Les tesselles (tessellae) sont des petits cubes de pierres, de marbres, de pâtes de verres et de terres cuites de couleurs différentes taillés en série que l'on enfonce dans un lit de mortier, selon un décor déterminé d'avance. La pose de ces tesselles requérait une main d'oeuvre habile et expérimentée, car les gabarits des dessins étaient tracés à même le mortier frais !
Un radier de cailloux (stratumem) était recouvert d'une chape de béton (rudus), sur laquelle un mortier de chaux et de débris de terre cuite (nucleus) reposait.
Une fois le décor dessiné, les tesselles étaient fixées au moyen d'un lait de chaux.

Les techniques :

  • L'opus tessellatum, où de petits cubes de 1 à 2 cm de cotés étaient utilisés pour former des motifs géométriques ou figurés, bichromes ou polychromes.

  • L'opus vermiculatum, où étaient utilisés des tesselles de petites dimensions (quelques milimètres parfois) pour réaliser des motifs figuratifs ou ornementaux et des dessins très fins. Le panneau en opus vermiculatum pouvait être inséré dans un décor en opus tessellatum, et portait alors le nom d'« emblema ».

  • L'opus sectile, dans lequel étaient utilisés des fragments de pierres et de verres colorés de tailles différentes.

Il existait différents ateliers de mosaïstes aux quatre coins de l'Empire, et il est parfois possible de reconnaître quel était le groupe d'artisans ayant réalisé telle mosaïque ou telle autre. Ces artisans étaient souvent amenés à se déplacer pour se rendre chez le client et réaliser ainsi leur travail in situ.
En Gaule, les ateliers les plus connus étaient installés à Lyon et à Vienne en Isère. Mais, il y avait des ateliers dans presque toutes les villes de l'Empire.

Vidéo :



Juin 2020
Ph. Laval

samedi 30 mai 2020

Magnifiques mosaïques mises au jour en Italie

De splendides mosaïques de l'époque romaine ont récemment été mises au jour sous les vignes d'un terrain situé sur la commune de Negrar di Valpolicella, dans le nord de l'Italie près de Vérone. Cette découverte nous permet d'espérer d'autres belles surprises dès que la zone sera fouillée. L'article et la vidéo postés ici proviennent du réseau facebook où ils ont été publiés par les autorités de la commune.

À NÉGRAR UN TÉSOR ARCHÉOLOGIQUE SOUS LES VIGNES

Après d'innombrables décennies de tentatives ratées, une partie du sol et des fondations de la Villa romaine située au nord de la capitale, découverte par les savants il y a plus d'un siècle.

Les techniciens de la supervision de Vérone, avec un carottage ciblé du sol, découvrent partiellement les restes de l'artefact encore présents sous quelques mètres de terre, avec un objectif précis : identifier l'extension exacte et l'emplacement exacte de l'ancienne construction.

Ensuite, la supervision se raccordera avec les propriétaires de la région et la commune pour identifier les moyens les plus appropriés pour rendre disponible et visitable ce trésor archéologique caché depuis toujours sous nos pieds.
Le résultat n'arrivera pas bientôt et il faudra des ressources importantes. Mais il est important enfin de tracer la route.

La commune prêtera toute la collaboration nécessaire et remercie dès maintenant les professionnels de la supervision et les propriétaires de la région pour l'unité d'intention et la disponibilité avec laquelle ils poursuivent le projet.





jeudi 14 mai 2020

Les matériaux de construction dans la villa (2)

Le béton romain

S'il y a un matériau de construction utilisé dans l'Antiquité qui est devenu célèbre, c'est bien le béton romain.
A l'instar du mortier de tuileau destiné à la construction des murs, les propriétés de résistance du béton romain sont restées longtemps une énigme pour les ingénieurs.
Ce béton, nommé en latin « opus caementicium » fut utilisé durant toute l'époque de l'Empire pour couvrir les sols et construire des édifices portuaires, des ponts et de grandes constructions comportant des voûtes de plein cintre. Plusieurs de ces constructions sont d'ailleurs encore visibles aujourd'hui (ex. le Panthéon à Rome ou les infrastructures du port antique de Césarée en Israël).

L'aqueduc de Césarée



Le secret du béton romain n'a été découvert qu'au début du XVIIIe siècle par un ingénieur français, et ce sont des scientifiques américains et italiens qui ont percé le mystère de sa résistance, notamment lorsqu'il était mis en oeuvre en milieu marin.

Ce béton était préparé en mélangeant, à de l'eau, de la chaux, de la brique pilée, des morceaux de roche ou de céramique avec de la poussière volcanique appelée « pozzolana ».
Habituellement, ce mélange était composé d'une part de chaux pour deux ou trois parts de poussières volcaniques, selon le type de construction à réaliser. Ainsi, lorsqu'il était utilisé en milieu marin, une réaction chimique instantanée s'opérait, au contact de l'eau de mer, conférant au béton formé une résistance incomparable.
En outre, les géologues américains, qui ont étudié ce phénomène, se sont aperçus que l'eau de mer, qui filtrait à travers le béton, apportait des minéraux dans les microstructures même du matériau, le rendant ainsi de plus en plus solide et résistant au fil du temps.

Le béton romain était incontestablement meilleur que ceux fabriqués actuellement ! Bien qu'il n'ait jamais eu besoin de structures métalliques de renforcement, il ne s'altérait pas comme le béton Portland utilisé de nos jours. Alors que sa résistance augmentait au fil du temps, quand il était utilisé en milieu marin, les constructions modernes réalisées avec le béton Portland s'érodent déjà après 50 ans d'âge !

Mai 2020
Ph. Laval

mardi 24 mars 2020

La plus grande villa romaine des Pays-Bas

Voerendaal est un endroit spécial. Grâce à la célèbre villa romaine, mais aussi grâce à la longue histoire des recherches: le site a été fouillé pas moins de quatre fois.

La villa romaine, dessin de Mikko Kriek

En 1891, les premiers murs d'une villa ont été découverts le long du Steinweg. L'archiviste du Limbourg Joseph Habets a été rapidement appelé. Avec la famille Van Oppen, propriétaire du terrain, il a fait des plans pour fouiller les restes. Une fois commencés, les bâtiments se sont révélés beaucoup plus grands que prévu. Dans une lettre, Habets parle même de «l'excavation la plus étendue jamais réalisée» aux Pays-Bas. Il a suivi les fondations des murs en perçant le sol avec une épingle en fer. Ensuite, les murs pourraient être creusés librement avec la pelle. Un travail difficile, pour lequel des travailleurs étaient employés. On dit que ces hommes recevaient 1 florin par jour.
Habets a frappé à la porte du gouvernement national pour tout payer. Il a reçu 250 florins. Un an plus tard, il a demandé 350 autres florins. Comme Habets est décédé cet été-là, l'enquête a pris fin.

Le directeur Willem Pleyte du Rijksmuseum van Oudheden à Leiden a visité les fouilles dès 1892. Cependant, le musée n'a pris aucune mesure avant 1929. Le directeur Holwerda et l'archiviste limbourgeois Goossens ont fait fouiller le complexe de villas. Encore une fois, l'enquête s'est terminée prématurément, cette fois en raison d'un conflit avec le locataire.
Le musée revient vingt ans plus tard. Entre 1947 et 1950, Willem Braat a fouillé la partie la plus monumentale de la villa romaine à travers une série de tranchées étroites. Les bâtiments ont ensuite été reconstruits en reliant les sections de murs découvertes. Là aussi, beaucoup de fouilles ont été engagées, notamment autour des bains publics de la villa. Braat travaillait avec d'anciens chômeurs du service de l'emploi, parfois seize ans à la fois.

Après les recherches de Braat, le bâtiment principal de la villa a été protégé en tant que monument national. Afin d'éviter que d'autres données ne soient perdues, il a été prévu de creuser davantage dans les années 1980. Dans une enquête à grande échelle menée entre 1984 et 1987, sous la direction de Willem Willems, de larges puits de travail contigus ont été creusés avec une excavatrice et parfois approfondis six fois. De cette façon, toutes les traces de différentes phases ont pu être enregistrées: travaux de mur, mais aussi fossés, fosses et fosses de pieux. Malheureusement, cette étude n'a jamais été publiée.
Par conséquent, l'histoire n'est pas encore terminée. Aujourd'hui, après plus d'un siècle de fouilles, une équipe de spécialistes pour le compte du musée des Limbourg travaille sur le dernier chapitre depuis trois ans. Pour que l'histoire complète de la villa romaine spéciale de Voerendaal-Ten Hove puisse enfin être racontée.



La Dame de Voerendaal était probablement une riche propriétaire de villa. Sa tête, trouvée en 1917, mesure environ 50 cm de haut et est sculptée dans du grès Nivelstein, une pierre régionale de la vallée de Worm.
La tête faisait probablement partie d'un monument monumental sur la route romaine de Cologne à Boulogne-sur-Mer, maintenant connue sous le nom de Via Belgica. Ses boucles, ses tresses chignons et son bandeau révèlent que la Dame de Voerendaal a vécu au milieu du deuxième siècle. Cette coiffure était à la mode à l'époque: Sabina, l'épouse de l'empereur Hadrien, avait également une telle coiffure.

Mars 2020
Ph. Laval