Il
est faux de croire que l'habitat en bois et torchis des peuples
celtes était inconfortable et précaire. Ces habitations
traditionnelles étaient très bien adaptées au climat de nos
régions et les ressources en bois pour leur construction étaient
inépuisables.
Néanmoins,
la villa romaine, bâtie « en dur », constitue sans aucun
doute une avancée technologique considérable.
Le
premier avantage de la construction romaine est certainement sa
pérennité. La maçonnerie est forcément plus solide que le bois et
elle résiste mieux à l'usure du temps et aux intempéries. Bon
nombre d'habitations romaines nous ont d'ailleurs légué quelques
beaux vestiges de murs toujours debout, alors que même les poteaux
massifs en bois des chaumières gauloises ont disparu depuis fort
longtemps.
Je
vous propose donc de découvrir les différents matériaux qui
étaient utilisés dans la construction des villas, en commençant
par la toiture.
La
couverture :
Si
l'ardoise et la pierre furent parfois utilisées en couverture, le
matériau typique des toitures des villas romaines était bien
évidemment la tuile en terre cuite qui conférait aux habitations
une allure méditerranéenne.
Cette
toiture était composée de tegulae (sg. tegula) et d'imbrices (sg.
imbrex).
La
tegula est une tuile plate à rebords latéraux qui se posait à même
la charpente. Elle mesurait plus ou moins 35 cm sur 45 cm avec une
épaisseur de 3 ou 4 cm et avait une forme légèrement trapézoïdale
pour permettre l'emboitement des tegulae les unes aux autres (voir
dessin). Elle pesait plus ou moins 7 kg.
Pour
assurer l'étanchéité des joints, des imbrices recouvraient le
faîtage, ainsi que les bords latéraux des tegulae Ces tuiles de
forme semi-circulaire avaient une extrémité plus étroite que
l'autre pour qu'elles puissent également s'emboiter les unes aux
autres. Ces tuiles, appelées aujourd'hui « tuiles canal »,
sont toujours utilisées dans la plupart des pays méditerranéens.
Enfin,
des antéfixes étaient placés à la base du toit, fixé dans la
dernière imbrex avec du mortier, pour maintenir en partie la
couverture et fermer la dernière imbrex. Les antéfixes étaient
souvent décorés de motifs végétaux ou figutatifs.
Représentation
d'une partie de toiture
a)
Tegula
b)
Imbrex
c)
antéfixe
La
charpente :
La
toiture, qu'elle soit de tuiles ou d'ardoises, était supportée par
une charpente en bois. Ces charpentes ont évidemment disparu depuis
longtemps, mais on peut imaginer qu'elles devaient être très
massives, car le poids de la couverture devait avoisiner les 70 kg au
m2 en
moyenne pour un toit en tuiles.
La
pente du toit ne devait pas excéder 25° d'angle, pour assurer la
stabilité de l'ensemble de la couverture et éviter le glissement
des tuiles.
Les
murs :
Les
murs extérieurs et les murs porteurs intérieurs étaient maçonnés
en pierres et parfois en briques de terre cuite en alternance avec
des moellons de pierre. Les pierres étaient le plus souvent
équarries et le tout maçonné au mortier de chaux. La pierre
provenait la plupart du temps de carrières situées dans la région
même de l'habitat. Cependant, quand le marbre était utilisé, il
pouvait être importé de très loin. Tout dépendait de la richesse
du propriétaire et de ses désirs. Les briques et tuiles en terre
cuite étaient façonnées sur place ou provenaient d'ateliers de
tuiliers de la région. De nombreuses estampilles de tuiliers ont été
découvertes sur des tuiles et des briques lors de fouilles
archéologiques.
Le
mortier romain était réputé pour ses propriétés techniques incomparables. Ce mortier, appelé « mortier de tuileau »
était un mélange de sable, de petits graviers, de chaux, d'eau et
de tuileau. Le tuileau est une poudre obtenue par le broyage de
briques ou de tuiles en terre cuite. Le liant obtenu d'une couleur
rosâtre était très résistant tout en étant élastique. Il a
permit la construction d'édifices remarquables comportant des voûtes
et des arcs en plein cintre. De part ses propriétés d'hydraulicité,
il était aussi utilisé dans les constructions hydrauliques,
(thermes, ponts, etc.).
Il
y avait plusieurs façons d'ériger un mur. On parle dans l'Antiquité
romaine d'Opus (appareillage) :
L'opus
incertum,
dont les pierres taillées sont maçonnées de façon irrégulière
sans assise.
L'opus
reticulatum
où les pierres sont identiques et carrées. Leur appareillage forme
un damier harmonieux en lignes diagonales. Cet appareil est plus
souvent utilisé pour les murs de parement.
L'opus
quasi reticulatum
dans lequel les pierres sont posées en damier diagonal irrégulier.
L'opus
mixtum
où plusieurs assises de moellons de pierres alternent avec
plusieurs couches de briques plates.
L'opus
vittatum est
utilisé pour les murs de parement faits de petits moellons
rectangulaires en pierre, disposés en assises régulières
alternées.
L'opus
latericium fait
entièrement de briques en terre crue, ou testaceum
fait de briques en terre cuite.
L'opus
sectile
est un assemblage de carreaux de marbres qui ressemble à la
mosaïque
Exemple d'un mur en opus mixtum
Les
murs épais étaient fait de deux beaux parements entre lesquels on
remplissait l'espace vide de mortier, de pierres et de briques du
tout-venant.
Voici
ce qu'écrivait Vitruve :
« Il
est une troisième manière, que l'on appelle ἔμπλεκτον,
dont se servent nos villageois. Les pierres qui forment les parements
sont unies. On remplit le milieu avec du mortier, dans lequel on
jette pêle-mêle des pierres, sans autre liaison que celle que leur
donne le hasard. Mais nos maçons, pour accélérer leur travail,
font des assises composées de plusieurs pierres superposées, et
n'ont égard qu'aux parements, dont ils garnissent l'intérieur avec
des fragments de moellons qu'ils mêlent avec le mortier. Aussi y
a-t-il dans cette espèce de maçonnerie trois couches de mortier,
deux pour l'enduit des parements, et la troisième au milieu pour le
blocage. »
(Vitruve
: De l'architecture. Tome premier / trad. nouvelle par M. Ch.-L.
Maufras,
C. L. F. Panckoucke, 1847)
Quant
aux cloisons intérieures, elles pouvaient être faites de torchis
sur lesquels étaient ensuite appliqué un enduit peint.
Alors
que les murs extérieurs en pierres étaient le plus souvent revêtus
d'un crépi, on appliquait un enduit sur les murs intérieurs.
Pour
une décoration plus sophistiquée, on faisait appel à des artisans
itinérants spécialisés dans la pose de mosaïques ou dans la
réalisation de fresques et de décors peints.
On
a retrouvé des traces d'enduits peints, même dans les villas les
plus rustiques du nord de la Gaule !
Les
rares découvertes de fragments de verre à vitre confirment que ce
matériau était utilisé pour obturer les ouvertures de fenêtres.
Il est aussi possible que de fines peaux de bêtes, plus ou moins
transparentes, étaient utilisées pour fermer certaines ouvertures.
Enfin, quelques bas-reliefs nous montrent que de lourdes tentures
étaient utilisées pour fermer certaines pièces de l'habitat.
Bas-relief du Musée d'Arlon avec toiture en ardoise et une tenture
Janvier 2020
Ph. Laval
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