Outre
les nombreuses reconstitutions d'habitats et structures antiques,
l'Archéosite d'Aubechies propose également à ses visiteurs la
découverte d'une villa gallo-romaine reconstruite à partir du plan
de fouille des vestiges d'une authentique villa mise au jour en
Allemagne.
Vue d'ensemble de la villa reconstituée, photo: J-M Rogge
Voici
un extrait de la brochure : « La
villa à l'époque romaine »
rédigée et publiée par l'Archéosite :
''
Le choix d'un modèle spécifique, la villa de Mayen
(Rheinland-Pfalz) située en Allemagne, s'est imposé pour des raison
pratiques. Cette construction de taille modeste et bien documentée a
connu 8 phases de transformations successives aboutissant à un plan
homogène relativement réduit muni d'une galerie de façade
caractéristique. Ce modèle est relativement récurrent dans le Nord
de la Gaule, en Bretagne insulaire et en Germanie.
La
reconstitution, présentée ici, illustre la phase finale de la villa
de Mayen. La vaste pièce rectangulaire située à l'arrière de la
galerie de façade est intégrée entre deux pavillons d'angle qui
lui confèrent une certaine monumentalité et une rigueur symétrique.
Le grenier, visible sur le plan original, n'a pas été reconstitué,
le terrain étant trop plane.
Plan
et esquisse de la villa de Mayen en Allemagne, (Mylius, 1928)
Fondation,
maçonnerie et parement
Étant
donné la nature du substrat géologique régional composé d'une
épaisse couche de loess, les fondations antiques se limitent
habituellement à une profondeur moyenne de +/- 60 cm équivalant au
niveau inférieur protégé du gel. Le plus souvent, les fondations
se composaient de blocs de pierre pouvant être disposées en
hérisson, liés à l'argile et parfois au mortier de chaux.
La
pierre utilisée pour la reconstitution du parement de cette villa
est un grès régional appelé « grès de Grandglise »
(grès « bigarré » du Landénien inférieur). Cette
pierre était majoritairement utilisée pour toutes les constructions
de la région de Beloeil et de Basècles durant la période romaine.
Durant
l'époque antique, les murs étaient constitués d'un remplissage de
pierrailles mélangées au mortier : l'opus
caementicium.
Le mortier se compose d'un volume de chaux, de deux volumes de sable
de rivière et d'un volume de tuileaux pulvérisés qui lui confèrent
cette couleur rose. Cette technique se base sur l'une des recettes du
traité d'architecture de Vitruve datant du 1er siècle de notre ère
(Vitruve, II, 5,7). Cet opus
caementicium
est toujours accompagné d'une parement externe pouvant être agencé
de diverses manières. Dans nos régions, on retrouve principalement
des parements en opus
incertum
constitués de blocs de taille informe pouvant être dressés sur
leur face externe et en opus
vittatum
composés de pierres
quadrangulaires
uniformes disposées horizontalement. Les enduits extérieurs ou
crépis à base de chaux étaient également souvent employés. Ces
derniers pouvaient être agrémentés de traits colorés, tirés au
fer à joint, imitant des blocs de pierre de taille régulière. La
villa présentée ici est recouverte par endroit d'un enduit lisse de
couleur ocre.
La
façade principale et les soubassements sont composés de blocs de
grès disposés en opus
vittatum
agrémentés d'assises de tuiles. Ces dernières, tout en contribuant
à la régularité de la construction, apportent une dimension
esthétique caractéristique de la construction romaine.
Vue
de la façade de la villa reconstituée à Aubechies
Portique
L'espace
couvert situé devant la façade est constitué d'un portique
monumental décoratif. Le portique, ensemble architectural
typiquement méditerranéen, est un élément fondamental dans
l'architecture romaine. Le caractère indigène subsiste dans
l'utilisation de supports en bois pour la construction du portique.
La
charpente en chêne bien visible sous le portique est constituée de
poutres maîtresses en bois soutenant des chevrons et des voliges sur
lesquels les tuiles viennent prendre appui. Dans nos régions, la
tuile est un matériau de couverture couramment utilisé dès la
première moitié du Ier siècle. La tegula
est une tuile plate trapézoïdale avec rebords latéraux. Sur ces
rebords venaient s'appuyer à chaque extrémité l'imbrex
ou couvre-joint, tuile semi-circulaire qui permettait d'assurer
l'étanchéité de la couverture. Celle-ci se terminait par une
antéfixe (antefixa)
qui scellait l'ensemble.
L'utilisation
de la gouttière n'est pas attestée à cette époque. La toiture
débordante permettait d'isoler la façade de l'écoulement des eaux.
Le système de drainage était assuré par des tegulae
disposées à même le sol et servant de caniveaux. Ces tegulae,
visibles à l'angle gauche de la façade, entraînaient l'eau en bas
de pente.
Huisserie
Les
accès principaux sont généralement larges. La porte en chêne,
visible de la façade avant et composée de quatre battants munis de
fenêtres à croisillons, a été réalisée d'après un modèle
retrouvé à Pompéi. Les fenêtres en bois pourvues de croisillons
sont constitués de verre soufflé. Le verre à vitre apparaît dans
nos régions à l'époque romaine. Il se caractérise par la présence
de bulles et par une couleur qui varie en fonction de l'oxydation des
minéraux de matières siliceuse. Les fenêtre sont également
recouvertes de protections étoilées en fer décoratif. Ces
dernières sont rivetées à l'ancienne et scellées au plomb.
Chauffage
et foyer
A
l'époque romaine, le foyer à cheminée n'existait pas encore. Le
système de chauffage était assuré par des foyers ouverts adossés
au mur et reposant directement sur le sol ou par des brasero disposés
dans les différentes pièces. Un très bel exemple de brasero en
bronze est présenté dans la salle d'apparat. Ce dernier a été
réalisé d'après un modèle découvert
à Pompéi. Il est composé de trois pieds en forme de faune
ithyphallique.
A
côté de ces chauffages d'appoint, un système novateur fut mis au
point : le chauffage sur hypocauste. Un praefurnium
(foyer) était aménagé sous la pièce à chauffer afin de permettre
à la chaleur de se répandre en sous-sol (d'où le nom latin
d'hypocausis :
chauffage inférieur). Cet espace était couvert par un sol
suspendu : la suspensura
constituée de dalles de terre maintenues pas le biais de pilettes
composées de briques quadrangulaires de 20 cm de côté. Elle était
recouverte d'un mortier romain. La chaleur chauffait le sol et était
évacuée par les conduits verticaux fixés dans les murs. Ces
conduits ou « tubuli »
participaient également au réchauffement de la pièce. Des
cheminées situées en sommet de mur permettaient l'évacuation des
fumées vers l'extérieur. L'invention de ce premier chauffage
central remonterait au IIIe siècle avant J.-C. Des conduits de
chauffage ont été découverts à Gortys, Olympie et Syracuse (Adam,
p. 289). Il faudra attendre le courant du Ier siècle de notre ère
pour voir apparaître cet équipement dans nos régions. Une petite
pièce rectangulaire a été reconstituée à l'extérieur de la
villa (sur le côté latéral gauche) et permet d'accéder au
praefurnium.
Ce système est ici reconstitué pour le chauffage de la baignoire :
les thermes.
La
salle de séjour ou de réception
Vue
partielle de l'atrium, photo : J-M Rogge
Cette
salle était réservée, à l'origine, aux activités collectives de
la famille et aux repas. Peu à peu, dans les grandes villae,
l'évolution pratique voulut que les repas soient pris dans une salle
réservée exclusivement à cet usage : le triclinium.
A l'origine, ce nom désignait le lit à triple couchette sur lequel
s'installaient les convives. Dans le cas de constructions modestes,
la double fonctionnalité séjour-salle à manger a très bien pu
persister faute d'espace suffisant.
Diverses
pièces secondaires sont également accessibles à partir de cet
endroit central. Malheureusement, l'archéologie nous donne peu de
renseignements quant à la destination exacte de ces dernières.
Les
quatre colonnes visibles au centre de la pièce constituent un
dispositif permettant de soulager la portée du toit. De nombreuses
petites villae
en Gaule révèlent les traces de piliers ou poteaux de soutènement
à cet endroit (Verslype, 1994, p. 33).
L'atrium
avec les colonnes
Le
sol recouvert du mortier romain caractéristique (sable, tuileaux
pilés, chaux) est agrémenté de trois mosaïques en marbre
illustrant deux scènes champêtres et une nature morte. La scène
champêtre disposée à l'entrée présente une mosaïque bichrome
avec un chevrier occupé à traire une chèvre sous une treille.
L'ensemble est entouré d'une frise agrémentée d'oiseaux disposés
en vis-à-vis. Cette scène s'inspire du motif d'un tissu datant des
IVe-Ve siècles après J.-C.
Une
mosaïque polychrome disposée devant l'escalier présente divers
aliments consommés à l'époque : poissons, volailles, bottes
d'asperges, régimes de dattes. Cette nature morte est la copie d'une
mosaïque découverte à Tor Marancia (près de Rome) et datant de
l'époque d'Hadrien.
Devant
les thermes, une mosaïque polychrome réalisée d'après un original
découvert aux environs de Rome (IIIe siècle ap. J.-C.) présente
des escargots et des poules de Numidie (pintades), produits exportés
par l'Afrique du Nord durant l'Antiquité.
D'après
Vitruve, les illustrations d'animaux, légumes et fruits figurant
dans la peinture italique font directement référence aux cadeaux
offerts par le maître des lieux à ses invités. Ce thème, repris
également dans les mosaïques, illustre aux IIe et IIIe siècles,
les prémices des récoltes et des troupeaux apportés par les coloni
c'est-à-dire les paysans travaillant pour le patronus
(Gros, 2001, p. 149).
La
peinture romaine s'exprime principalement par l'utilisation de deux
types de techniques. La fresque ou peinture « a
fresco »
qui correspond à une méthode de peinture sur un enduit de chaux et
de sable encore frais. Les pigments appliqués avec de l'eau ou du
lait de chaux pénètrent et se fixent alors dans l'enduit plus
facilement. La technique de la « tempera »
correspond à l'application de peinture délayée préalablement avec
un liant sur un support sec. Souvent, seule une analyse
physico-chimique permet d'identifier avec certitude le type de
technique utilisé (Barbet, 1999, p. 39-52).
La
plupart des pigments utilisés sont d'origine minérale (Barbet,
1999, p. 45-49). (...)
Étage
et plafonds
La
pièce d'apparat centrale est ici présentée sans étage. Cette
hypothèse s'appuie sur les données archéologiques, les recherches
pratiquées sur certaines villae
(Metzler et al., 1981, p. 139-140). Les pièces secondaires situées
dans les ailes possèdent par contre un étage reconstitué, utilisé
comme pièce de stockage.(...) ''
La
villa comporte également un tepidarium et une chambre avec un
laraire. Un jardin et un potager complètent le domaine reconstitué.
(Résumé fait avec l'autorisation de l'Archéosite)
Juin
2019
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