Présentation

Même si l'Antiquité romaine fut une période rude et souvent implacable pour beaucoup d'êtres humains, nous ne pouvons nier que dans de nombreux domaines la civilisation romaine fut innovante et même fascinante. Si Rome a conquis nos terres à la force du glaive pour imposer ensuite son pouvoir sous la férule des légions et de son administration centralisée, elle nous a aussi légué sa culture et, pour ce qui nous intéresse dans ce blog, son savoir-faire en matière d'urbanisme, d'architecture et de construction. C'est précisément ce domaine des habitations romaines typiques des campagnes, les villae, que je vous invite à découvrir ensemble.

vendredi 2 février 2024

La villa gallo-romaine d'Anthée

La plus vaste villa gallo-romaine découverte en Wallonie reste, à ce jour, celle d'Anthée sur la Commue d'Onhaye. Longue de 642 mètres, pars rustica comprise, sa largeur atteignait 212 mètres. Elle est de ce fait classée « type 1 » dans la typologie des « Grandes villae à pavillons multiples alignés »1.

Fig. 1 Plan du domaine bâti

Cette villa fut mise au jour en 1863, puis fouillée jusqu'en 1872 par le chamoine Charles Grosjean pour le compte de la Société archéologique de Namur.

Situé sur un plateau du Controz, entre les villages d'Anthée et Morville, le site se trouve à quelques lieues seulement de l'ancienne voie romaine Bavay-Trèves. Un vieux chemin traversant d'Est en Ouest la pars rustica semble, d'ailleurs, se diriger vers le Nord pour rejoindre cette chaussée. Ce diverticule comporte des ornières sur une partie de son tronçon.

Le domaine bâti, dont il ne reste que des vestiges enterrés, était divisé en deux parties par un mur. La pars urbana se trouvait à l'Ouest, et les différents bâtiments de la pars rustica bordaient les deux côtés d'une cour allongée s'étirant vers l'Est. Le tout était enclos d'un mur et occupait une superficie de quelque 12 hectares !

Un petit fanum de forme carré avait également été repéré à 200 mètres au Sud de la villa. Il faisait vraisemblablement partie intégrante du domaine.

Fig. 2 Plan de la pars urbana
Avec une façade de près de 107 mètres de long orientée à l'Est, la résidence du maître était dotée de deux portiques à colonnades à l'Est et à l'Ouest qui donnaient accès à 114 pièces2. Certaines d'entre elles étaient décorées de mosaïques, de fresques, d'enduits peints et de marqueteries en marbre, témoins évidents de la richesse des propriétaires.

Les occupants du domaine disposaient également de trois ailes de bains (thermes) : une au Nord et au Sud du corps de logis et une troisième, indépendante du bâtiment principal, au Nord de celui-ci, ainsi que de plusieurs locaux chauffés par hypocaustes.

L'alimentation en eau était assurée par deux sources : celle du « Fond des Noisetiers », située à 1675 mètres à l'Ouest de la villa, et celle nommée « Al Tavienne » distante de 1250 mètres au Sud.

Des vingt bâtiments de la pars rustica certains étaient réservés à l'hébergement des ouvriers, alors que d'autres étaient des écuries, des granges, des étables, des réserves pour les denrées et des ateliers, dont deux destinés au travail de la métallurgie du fer et du cuivre.

D'après le mobilier archéologique récolté jadis, la villa semble avoir été bâtie au milieu du premier siècle de notre ère, et aurait subsisté jusqu'au début du IVe siècle, avec peut-être un abandon temporaire durant le dernier quart du IIIe siècle, en raison d'un hiatus dans le monnayage pour cette période. (Une monnaie de Valens [365-378] trouvée dans un bâtiment de la pars rustica témoigne cependant d'une fréquentation du site après son abandon).


Fig. 3 Lion en pierre servant de fontaine © DR

Mais, les découvertes les plus remarquables sont, sans nul doute, la sculpture en « ronde-bosse » d'un lion en pierre calcaire qui devait servir de fontaine dans la cour d'honneur de la villa3, et des mosaïques à motifs géométriques4, malheureusement abîmées par d'anciens travaux agricoles.


Fig. 4 Mosaïques à motifs géométriques

De façon plus anecdotique, il faut aussi mentionner la présence d'un grand nombre d'écailles d'huîtres trouvées dans la pars urbana, indices évidents de l'opulence des propriétaires.

Enfin, une intervention archéologique préventive a été menée l'été 2014 par le SPW5 dans une zone de la pars rustica qui n'avait pas été fouillée autrefois. La raison de cette intervention répondait aux travaux de transformation d'une ancienne ferme avec l'aménagement d'un parking qui aurait pu endommager les substructions non encore mises au jour. Les résultats des fouilles ont complété et confirmé les données recueillies au XIXe siècle.

Notes :

1. Revue archéologique de l'Est : https://journals.openedition.org/rae/6217

et Fig. 1 : plan du domaine bâti.

2. Fig 2 : plan de la pars urbana.

3. Fig. 3 Sculpture en pierre d'Euville (Meuse, France), H. 76 cm, L. 84 cm, l. 35 cm, IIe siècle, photo © DR, Musée Archéologique de Namur.

4. Fig. 4 Mosaïques à motifs géométriques de la villa d'Anthée, Musée Archéologique de Namur.

5. « Les Nouvelles de l’Archéologie, n° 37, Janvier - Février - Mars 2015 »

Bibliographie :

- Delaunois E. & Hannut F. 2015. Nouvelle campagne archéologique sur la villa d'Anthée (Onhaye, Namur), ASAN, t. 89, p. 21-49.

- Del Marmol E., 1881, Villa d'Anthée, ASAN, t. 15, p. 1-40.

- Del Marmol E., 1877, Villa d'Anthée, ASAN, t. 14, p. 165-194.

(Résumé rédigé d'après les différentes sources ci-dessus. Je remercie la Société archéologique de Namur pour son aide).

Ph. Laval

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